• À ce moment-là…

     Julien Bosc


    À ce moment-là — probablement était-il de la nuit, de la nuit, nuit creuse, opaque, repliée sur un reste de nuit n’étant qu’une seule — il aurait pu commencer à parler ; non qu’il ait eu davantage à dire que d’ordinaire ou quoi que ce fût qui cette fois eut mérité de l’être mais parce que la parole avait été là, autrement dit extirpée de sa torpeur, prête pour parler (s’il avait fallu : se perdre) ; de tout cela aujourd’hui, après tant de pas et vertiges il est sûr et son corps précédemment à lui avait su sans l’ombre d’un doute  ; la blessure qu’il porte à discrétion d’une nécrosée pliure de chair en serait pour peu qu’il fût besoin la preuve — ou plutôt l’évanouissement de toute preuve à même d’être pour telle tenue, aussi de n’être rien autrement que son tourment errant en cercle dans le sous-bois du verbe.
    à la surface du ruisseau flotte le calice meurtri d’une apétale cinéraire.
    (ô chagrin).

    Dès après le jour vînt
    la parole eut lieu
    lieu devint parole
    (de la nuit sa silencieuse promesse
    de cendres)



     Julien Bosc
    in Tiens n°9, 2000. 


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