• Ça pue !

     Gedicus


    Ça pue !

    Le 2 février 1945, 495 déportés s’évadaient du camp de concentration de Mauthausen. Ils étaient les seuls rescapés d’un groupe de 4 700 officiers soviétiques arrivés au camp seulement un an auparavant. Dès la nuit de cette évasion, de nombreux habitants des environs prêtèrent main forte aux SS pour traquer les évadés et les tuer. Seuls douze évadés survécurent au massacre. Quatre d’entre eux furent sauvés par trois familles autrichiennes qui les cachèrent au péril de leur vie, la mort étant promise à qui aiderait les fuyards. Trois familles seulement, tandis que des centaines d’autres se ruaient à la curée. « Ce fut un vrai défoulement. Les hommes s’éclaboussèrent de sang dans la joie ».*

    Autres temps, même saloperie. Aujourd’hui, de « bons citoyens » bulgares, constitués en milice, traquent les migrants qui réussissent à franchir les barbelés acérés de leur frontière. On nous dira que les deux situations n’ont rien à voir : ces miliciens ne tuent pas. Ils bastonnent seulement un peu, menottent et remettent leurs proies à la police sans se soucier de savoir si elles seront renvoyées vers une mort certaine. Nuance, parait-il. Qu’on nous permette de ne pas la sentir.

    En Grèce, en Turquie, les policiers qui, suivant les directives des bureaucrates de l’Union Européenne, trient le bétail humain (Quelques uns des plus docilement corvéables seront admis à trimer en silence et pour des miettes) portent des masques sanitaires lorsqu’ils raccompagnent les migrants recalés vers l’enfer qu’ils ont tenté de fuir, afin, sans doute, de bien faire comprendre au public que ces migrants sont une peste puante.

    Néanmoins, ce qui pue le plus, très fort, c’est bien cette manière dont les institutions européennes « compassionnelles » traitent le « problème » des migrants, et dont trop des habitants de cette Europe s’en satisfont, quand ils ne vont pas jusqu’à cracher leur bile avec les faux-culs prècheurs de « préférence nationale » ou mettre le feu avec des Pegida et des Aube Dorée.

    Mais il ne sert à rien de pleurnicher sur tout ça. Il ne sert à rien de demander aux salopards d’être moins méchants, ni aux cyniques calculateurs de la « diplomatie » d’être plus humains. On ne lime pas les dents des chacals. On les arrache ou bien on se fait mordre.

    L’Europe a la trouille. La misère qu’elle a largement semée dans le monde vient lui demander des comptes, qu’elle ne veut pas rendre, alors même qu’en son propre sein ses « bienfaits » sont de plus en plus contestés. Pourtant, ils sont encore bien peu agressifs ces « envahisseurs » que les patriotards de toutes obédiences nous dépeignent comme de nouveaux Attila ; des « barbares » sous les pas desquels l’herbe civilisée ne repousserait plus. Ils ne veulent nullement détruire cette « civilisation », aussi contestable soit elle, mais juste s’y trouver une petite, toute petite place, sans déranger.

    Mais rien ne dit qu’ils vont continuer à être si « raisonnables ». Quand on n’a plus d’autre choix que de crever tout de suite ou de risquer sa vie, on risque sa vie. Et pas toujours intelligemment. Ainsi on peut déjà se demander sans trop hésiter combien de vocations de djihadistes naîtront parmi les gazés et matraqués des frontières ? Poser la question c’est constater que, par les mesures qu’ils prennent sous prétexte de protéger leurs populations, les états européens ne font qu’aviver la menace qu’ils prétendent juguler.

    C’est que les oligarques qui règnent sur cette Europe ne savent et ne peuvent rien faire d’autre. Pour faire autre chose il faudrait qu’ils remettent en cause tout le système politico-économique dont ils sont les serviteurs et profiteurs. Il faut être un gros naïf pour attendre ça d’eux.

    La situation des migrants n’est que l’aspect le plus sordide de cette société écrasée sous le règne des rapaces et la « raison » du pognon roi. Il est évident que la solution de cette situation ne peut être qu’inséparable d’une abolition de ce règne. Ce ne sont pas les migrants qu’il faut virer, c’est le capitalisme qu’il faut éliminer. Au lieu d’enfermer ses nains de jardin dans un blockhaus pour éviter que les pauvres « étrangers » ne les bouffent, il vaudrait mieux ouvrir à tous les jardins des palais où se gobergent les 1%. Espérons que les « indignés » qui se soulèvent aujourd’hui un peu partout en Europe, à commencer par les Français « debout », considéreront cette tâche comme une priorité.

    Gédicus (voir son blog : ici),
    Le 13 avril 2016.
    Les éditions du Bras d’honneur.

     

    *Voir les témoignages terriblement édifiants recueillis par Gordon J. Horwitz dans son livre : Mauthausen, ville d’Autriche (Seuil, 1992)

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