• Ci-vit

     Théo Lésoualc'h

    Lieu-dit
    trou noir
    sans chair à penser sans parole
    sans couloirs sans vis-à-vis
    l’inhabitable obscurité
    et le silence au mot-à-mot
    en fuite du contretemps du temps préfabriqué

    j’espace les cloisons évide les plafonds
    et romps les ponts pontons le môle
    sans une ponctuation aux franchissements des façades
    sans une syllabe

    étanche-moi de ma soif d’alors
    mal ardent au corps à corps avec une distance qui
    de plus en plus interdit tout vertige
    Sous mon nez dans mon dos se racornissaient déjà
    les essaims de mots nouveaux incontournables
    flocons d’éphémères

    tous les témoins à charge
    handicapés mal-fonctionnants étaient occupés
    à encenser idolâtrer iconiser tout machinalement
    épiphanant
    spasmonautes en grossesses de mirages
    condamnés à zoner de musée en musée lèche-vitrines
    et de réserve en réserve
    de prothèse en prothèse trompe-la-mort
    anges des conservatoires au noir
    des chambres froides

    sans mot en un précipité d’abordage mon panorama
    en haillons vasculé des halos de jérémiades embruns
    de confettis pour de rire
    comme jeu de rôles et matière à jouir
    mon hier de l’âge-de-pierre de bronze de fer
    mon âge des lumières

    C’est l’âge du pixel aujourd’hui
    Reste plus qu’à vaguer par vide-greniers en se frayant
    paysage passeur sans ses papiers sans langage
    Le temps aurait pris du retard
    l’Autre en moi me surnage
    l’Autre en moi me suicide sifflotant

    Je suis seulement quelques millions à me savoir unique
    et tailler dans le vif
    en absence de vivant
    in memoriam dans une envape de nanopostillons numériques
    inodores sans saveur
    asphyxiants
    l’Avenir en touche tapez Étoile
    chute des âmes vers un ciel désastre
    l’homme poussier des constellations
    retourne à ses pixels d’avant la lettre
    d’avant les âges
    sans un mot sans un dernier soupir
    apnée d’une catarrheuse assomption
    d’un orgasme à la descente de croix
    l’autre n’a toujours pas de visage
    pas de nom pas de voix
    qu’on croise pourtant à l’improviste dans un
    creux du vent
    dégingandé mort-vivant ambulant
    l’éternité durant
    piétinée à chaque pas un poil avant l’éternuement
    le grand Tout tout à l’avenant

    consigne de se blottir dans l’écho du chaos
    en fœtus z’yeux clos
    dodeliner filambule

    ma voix sera là dans le non-dit
    d’un non-lieu sur mesure
    et ça fera du bruit je vous l’dis.

    in Mai hors saison n°15


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