• Des infinis minuscules dévoilés par Serge Paillard

    M. Lochu

    En compagnie de son éminente consœur et enquêtrice (scrupuleuse) Jill Culiner, l’artiste-peintre Serge Paillard était à l’honneur ce printemps lavallois à la Maison rigolote, sise rue du Hameau. Il proposait là un bien étrange « Petit voyage en Patatonie », monde inventé par lui à l’échelle de nos amies les pommes de terre. Jill Culiner présentait, pour sa part, un reportage ironique sur l’état américain de l’Idaho, territoire voué aux « patatoes ».
    De l’œil de Parmentier au microcosme de la Patatonie, ces tubercules auront échappé à bien des mâchoires, à bien des gloutonneries. Véritables coquilles introspectives, elles sont là, désormais ouvertes sur l’espace intérieur, habitacle sûr où la vie intériorisée trouve refuge avant ou après quelque désastre survenu dehors.
    Serge Paillard n’en est pas à son coup d’essai dans l’invention des mondes. Si son art a cheminé par diverses contrées, de l’abstraction géométrique à l’hyperréalisme, en passant par le pointillisme, c’est toujours avec un appétit d’utopiste qu’il nourrit ses fantaisistes représentations.
    Depuis quelques années il explore plus spécialement les possibilités de l’encre de chine, du crayon, du trait. Et comme c’est heureux ! Dessinateur minutieux, il crée à la manière des graveurs, d’un trait incisif sur un plan neutre. Des personnages singuliers apparaissent, évoluant dans des espaces limités, comme réglés par des habitudes arrêtées à jamais. Monde volontiers inquiétant si on s’y laisse prendre, ou hautement drolatique si on veut bien converser avec lui, de plain-pied. Une bonne dose de décontraction servira bien le visiteur car ces images-miroirs tournent vite en image de cauchemar pour peu que l’humeur veuille virer au sombre.
    Peu encombrés de pareilles préventions, les enfants sont les spectateurs privilégiés de tels tableaux, ils voyagent librement sur les pistes délivrées par le poète Paillard. Poète certes, en cela qu’il bâtit un univers propre à partir de visions rêvées. Un visionnaire comme le sont les créateurs du mode fantastique, sensibles aux apparitions incongrues, aux évidences du second degré, loin du trivial spectacle le plus en vue, au plus près du mystère et du bizarre.
    C’est dans ce sens, probablement, que Patrice Repusseau a pu écrire : « Sans avoir l’air d’y toucher, sous ses dehors parfois naïfs, Serge Paillard met le doigt sur l’essentiel et il appuie, il nous descend, il nous plonge dedans. Peut-être ne sait-il pas lui-même au juste ce qu’il fait, mais il le fait et de saisissante façon. » À lire dans Terriers du ciel, une étude consacrée à l’artiste lavallois, parue dans le numéro de ce printemps 2006 de la revue « 303 ».
    M. Lochu
    in Le Mouton fiévreux n°04, 2006.

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