Jean-Pierre Bouvet

Mardi soir, dans les salons de l’Hôtel de Paris, quelques Lavallois sont venus écouter le seul spécialiste de Rousseau leur parler de leur célèbre (dans le monde entier) compatriote. Ils ont eu raison de suivre ce cours d’une rare érudition, très caractéristique de l’entreprise de démystification que poursuit H. Certigny (tant pis pour les fabricants de livres et de tableaux). Il faut féliciter grandement le président de Guillaume-Budé, Jean Le Soleuz, pour son obstination à présenter, dans un climat d’amitié, des causeries d’érudition véritable et, quoique le mot soit galvaudé, de culture. Foin de mondanité, on est là pour apprendre et non pour se rassurer en écoutant les seules choses que l’on sait. Une conférence comme celle de mardi n’est intéressante que dans la mesure où elle apporte des informations inédites. Cette causerie livrait aux Lavallois les découvertes récentes de H. Certigny, découvertes qui ont de quoi bouleverser complètement l’idée même que l’on se fait de Rousseau. L’auteur de “La vérité sur le Douanier Rousseau”, en donnant parfois l’impression de couper les cheveux en quatre, a transformé le genre, mi-roman mi-tranche de vie que l’on appelle biographie. Ce genre un peu sentimental est souvent fait pour rassurer Joseph Prudhomme en lui prouvant, légendes à l’appui, que l’artiste “plus - qu’il boit - plus - qu’il - a du - génie”. Une approche sérieuse de la vérité demande un travail parfois fastidieux mais toujours fructueux en profondeur, même s’il n’est pas spectaculaire (je sais un bel album consacré à Rousseau, agréable à regarder, dont aucune page n’est exempte d’erreur grossière...) C’est ainsi que le dépouillement des milliers de pages du “Bulletin municipal de la ville de Paris” a permis à Henri Certigny de donner aux Lavallois présents à sa causerie, une information qui a fait bondir les amateurs de vérité.

PLUS D’UN AN avant de proposer à la ville de Laval sa “Bohémienne endormie”, dans les conditions que l’on sait (ce refus nous est reproché depuis un quart de siècle !) HENRI ROUSSEAU EN AVAIT FAIT L’OFFRE VAINEMENT A LA VILLE DE PARIS ! Rien que pour entendre cela, preuve à l’appui, les gens qui sont venus mardi, dans les salons de l’Hôtel de Paris, n’ont pas perdu leur soirée...

M. Sengle (alias Jean-Pierre Bouvet)
Le Courrier de la Mayenne (10 Février 1968),
& Tiens n°5