• L’art de s'embellir chez les Lobi

     Julien Bosc

     

    L’art de s'embellir chez les LobiHièn Héléra se souvient en ces termes du temps où le port d’étoffes en guise de vêtements était encore l’exception : « Quand les habits n’étaient pas arrivés chez les Lobi, les femmes allaient couper des feuilles et les portaient ; pour aller aux cérémonies, c’était nos habits. Quand les habits n’existaient pas c’est ainsi que tu faisais pour plaire et c’était beau. »

    Les femmes apportaient donc un soin particulier à leur corps, leur apparence, à la mise en valeur de leurs attraits : pour séduire comme le disait Hèlèra ; pour attirer sur elles le regard des hommes si l’on en croit Hièn Bakana, potière d’environ 60 ans, aujourd’hui veuve de Khambou Sipiné, l’un des sculpteurs avec lesquels j’ai travaillé avant qu’il ne décède :

    « Pour être élégantes nous faisions ainsi : nous allions chercher des herbes dans la brousse pour faire des ceintures en les tissant à la main avant de pouvoir les porter. Nous y ajoutions des fils que nous achetions, de même que du savon pour les laver et les rendre très claires. Après, nous coupions des feuilles et les portions pour aller aux cérémonies. »

    Outre les ceintures de fibres, les cauris, les perles ou les feuilles, les femmes lobi se tatouaient par scarifications, comme le rapporte Henri Labouret : « Elles le font d’ordinaire entre douze et quinze ans, c’est-à-dire à l’âge où elles commencent à avoir leurs premières aventures sérieuses et veulent plaire. La technique de cet art est simple, c’est généralement l’intéressée elle-même qui opère avec un mauvais couteau, elle coupe légèrement l’épiderme de manière à réaliser le dessin souhaité, puis passe sur la plaie de la graisse végétale à laquelle ont été incorporés du suc d’une plante et du charbon de bois. À la suite de ce traitement, la peau gonfle au bord de la blessure et demeure ainsi, formant protubérance légère. Les endroits qui reçoivent le plus fréquemment des scarifications sont le ventre, autour du nombril, et le dos. » [1] Je n’ai pas recueilli d’information sur ce point, mais les termes employés par Labouret qui fréquenta les Lobi durant de longues années laissent à penser qu’ils s’agissait bel et bien pour les femmes de s’embellir. Par ailleurs, elles portaient des boucles d’oreilles, divers bijoux dont les labrets, « lesquels étaient formés de tiges d’herbe ou de mil, de disques en pierre, en bois, en terre cuite ou en métal. Ces corps étrangers [étaient] logés dans deux orifices placés sur la ligne médiane de la face, à égale distance des commissures » À présent seules les vieilles femmes en portent encore. D’après ce que j’ai pu en voir, il sont désormais de petite taille, circulaires, d’un diamètre qui - à tout le moins de visu - ne dépasse pas les deux ou trois centimètres.

    Peut-être les femmes seraient-elles plus nombreuses à porter un labret si, dans les années soixante, une campagne orchestrée par les collégiens ne les avaient plus ou moins contraintes à les ôter pour “paraître plus civilisées, moins sauvages”...

    Ce qu’a pu me dire Bakana sur le sujet semblerait en effet aller dans ce sens car elle aimait personnellement beaucoup ces parures labiales (appelées par d’autres “mutilations labiales”[2]). C’est ce que laissa du moins entendre sa réponse après que je lui eus demandé comment elle faisait avant pour s’embellir :

    « Tu fais aussi comme ça pour arranger ton corps : il y a les lèvres que tu perces. Tu tailles ensuite des bois que tu laves très très bien et tu les mets pour partir au marché. Ainsi, tu as la bouche bien faite. Si un homme alors te voit, il dit : “Voilà une jeune femme très jolie, tout ce qu’elle porte lui va bien.” C’est ainsi que nous faisions. »

    Et, parce que je lui demandais si elle était souvent courtisée par les hommes, elle me répondit en souriant : « Oui. À cette époque, je sentais que j’étais une jeune femme très élégante, très élégante, mais ils nous ont dit qu’ils nous fallait enlever les labrets alors nous les avons retirés. »

    Sur le plaisir que les femmes avaient à porter un labret, plaisir qui leur fut donc retiré en 1959, Michèle Cros rapporte cette anecdote : « Au lendemain de l’action entreprise par l’Association des jeunes Lobi, les femmes âgées de Gbangbankora utilisaient un subterfuge lorsqu’elles voulaient malgré tout se rendre au marché. Juste avant d’y pénétrer, elles enlevaient leurs(s) labrets(s) qu’elles remettaient aussitôt le chemin du retour emprunté ! » [3] 

    Cette coquetterie, cette attention, ces soins portés au corps n’étaient pas - ne sont toujours pas - l’apanage des femmes, loin s’en faut. Les hommes rivalisaient en imagination, parfois en extravagance, quoi qu’il en soit en originalité afin d’être chacun plus beau, plus attirant et plus séduisant que l’autre…

    Là encore d’anciennes photographies montrent les bijoux, les diverses parures qu’ils portaient, sans compter la complexité ou la variété de leurs coiffures auxquelles l’onction de beurre de karité était souvent aussi nécessaire que la brillantine le fut en France à une certaine époque.

    De plus, les hommes se confectionnaient des coiffes de fibres souvent agrémentées de plumes afin qu’elles soient plus belles (les plumes sont au reste toujours à la mode, comme nous le verrons un peu plus loin). Tyohèpté Palé continue même à garder dans son thilfuu [4], les restes d’une semblable parure, et quand on lui demande si elle avait une utilité quelconque, il répond : « C’était pour plaire, ils se trouvaient beaux comme ça. Sinon, nous ne savons pas pourquoi ils faisaient ça, c’était pour plaire. »

    L’art de s'embellir chez les Lobi  [...] Sans qu’on puisse du tout évoquer des“concours” à proprement parler, il paraît évident que lors de fêtes villageoises ou religieuses, soit encore lors du bobuur (les secondes funérailles), et dans une moindre mesure les jours de marché, les hommes s’affrontaient - plus ou moins pacifiquement - en une sorte de “course à la beauté”, celle-ci s’exprimait tant par la luxuriance et l’harmonie des parures ou coiffures que par la grâce du corps dès que la musique invitait à la danse. Pour toutes ces raisons, sans doute, Arnold Heim, géologue allemand, écrivait en 1934 dans son journal : « Ce sont de grands hommes magnifiques, ces Lobi, et aucun ne ressemble à un autre. (...) Chacun a son propre style, sa coiffure, ses bijoux, sa coiffe. Ils ne sont uniformisés que par le port des mêmes armes (...). L’un est chauve, l’autre a les cheveux tressés, le troisième ne porte qu’une énorme coiffe artificielle. Les plus impressionnants sont les hommes dont les cheveux sont tressés, brillants de graisse, enduits de beurre de karité et de terre glaise. Seuls les hommes se coiffent ainsi, alors que les femmes gardent des cheveux très courts. » [5] Quant à Tyohèpté Palé, s’il a cessé de graisser ses cheveux et ne porte désormais plus de coiffe de fibres pouvant être relevée de plumes, il ne prend pas moins grand soin de sa chevelure, aujourd’hui poivre et sel, dont il n’est pas peu fier ! Maintes fois en effet je l’ai vu sortir son miroir et se coiffer avec une coquetterie évidente - à tel point, du reste, qu’à la question un peu sotte que j’avais posée afin de savoir pourquoi il se recoiffait ainsi si souvent, il m’avait fait cette seule réponse : « C’est beau, c’est beau. Je les lisse pour que ce soit beau. »

    [...] La mode, les “styles” ont changé, ou plus justement évolué avec le temps : en raison de la pacification, de mouvements migratoires toujours plus amples, de la scolarisation, bref ! d’autant d’effets plus ou moins dépendants de la colonisation ; laquelle ne supporte pas seule la responsabilité de ces évolutions notamment vestimentaires et l’on peut se demander quelle a été la modification des “parures” au cours du siècle et des siècles qui précédèrent ladite colonisation et les premières études ethnographiques qui, pour la plupart, s’ensuivirent ; comment ces mêmes parures, l’habillement, enfin tout ce qui concerne l’esthétique du corps aurait évolué sans cette colonisation : les Lobi continueraient-ils, par exemple, à ne pas porter de vêtements de tissu ? De plus, en 1959, suite à la campagne “anti-feuilles” menée par des collégiens humiliés d’entendre dire que les “Lobi” étaient encore des sauvages et trouvant tout à la fois rétrograde et probablement indécent que les femmes continuent à se montrer en tenues si légères, “humiliantes” et avant tout anachroniques, archaïques, les anciennes parures furent prohibées sur les marchés des plus importantes agglomérations du pays lobi (Gaoua, Kampti, Diébougou, etc.) Toutefois, il y a de cela quelques années, dans certains villages reculés - plus particulièrement lors de certaines cérémonies - il était possible de voir les femmes vêtues de ceintures de fibres (yéé) ornementées de feuilles ou de cauris : les documents photographiques, les dires et écrits de certains ethnographes en témoignent.

    De même, ces notes écrites par Jean Suyeux [6] dans ses carnets à la date du 19 août 1953 - alors qu’il est arrivé à Gaoua le 30 juillet de la même année - témoignent des changements vestimentaires en cours dans les années 50, époque durant laquelle deux modes, deux traditions vestimentaires cohabitaient : « Quelques photos de femmes, le torse nu, avec un bouquet de feuilles vertes autour des reins, et portant un échafaudage de paniers sur la tête. Elles posent sans que je le leur demande et rient beaucoup en répétant “daboulo ! daboulo !” [7] (...). Quelques femmes, habillées à la dioula [8], portent caracos, corsages à manches bouffantes, jupes longues, la tête enturbannée de tissu ; le tout est très coloré avec des motifs en rayures, damiers, tandis que d’autres sont imagés. Cependant, les plus nombreuses n’ont, comme celles que je viens de photographier, qu’une touffe de feuilles sur les fesses et un rideau de fils en coton blanc pour dissimuler leur pubis. Beaucoup de bouches sont ornées de petits labrets de pierre ou de métal ; les ventres sont tatoués d’un rayonnage solaire dont le nombril est le centre ; les crânes sont rasés, complètement ou d’un côté seulement ; les bras, les jambes sont cerclés d’anneaux de cuivre (...).”»

    Sans pouvoir être tout à fait catégorique sur ce point (je ne suis pas allé dans tous les villages, tant s’en faut), il semble que l’évolution vestimentaire se soit accélérée au cours des vingt dernières années car à Gongonbili même (village reculé parmi les moins accessibles) où j’étais au mois de novembre 1995, il m’a été donné d’assister aux funérailles d’une vieille femme, et aucune de celles qui participaient à la cérémonie, fussent parmi les plus âgées, ne portait de ces anciennes parures. Qu’elles fussent jeunes ou non cependant, elles n’en avaient pas moins gardé un réel souci d’élégance et le désir - somme toute guère étonnant ! - d’être belles, à tel point qu’il n’est pas trop dire qu’avec leurs pagnes, voire les robes que certaines d’entre elles avaient eu les moyens de faire confectionner, sur mesure, par un tailleur de Gaoua, les femmes s’étaient en quelque sorte mises sur leur “trente et un” - et ce qui vaut pour les femmes vaut également pour les enfants ou les hommes, lesquels avaient revêtu des chaussures, des habits propres, des ceinturons, des lunettes de soleil pour ceux qui en possédaient, enfin ! tout ce qu’ils avaient de plus beau ( même si cela pouvait paraître un peu “kitsch” à mes yeux d’ethnographe vivant en France dans un milieu sinon “bourgeois” du moins privilégié).

    Un an plus tôt, le 20 mars 1995, à Koubéo (dans la région de Bousséra), lorsque j’étais chez le sculpteur Palé Sombèlté, son oncle maternel décéda. L’accompagner aux funérailles fut pour moi l’occasion de voir pour la première fois un jeune homme avec une coiffe de plumes, laquelle n’avait d’autre finalité que de le “rendre beau” auprès des jeunes femmes qui l’entouraient au reste d’autant plus volontiers qu’il était un très brillant chanteur : il les entraînait à danser autour de lui tandis qu’elles scandaient des mains et de la voix la rythmique d’un chant fort bien interprété.

    De même, à Pèèr Saléla, lors d’une fête grandiose et mémorable, rassemblant environ deux à trois cents personnes, le “patchwork” que composaient les multiples couleurs de pagnes, le souci de singularité vestimentaire de la plupart des hommes - certains étaient là encore coiffés de plumes - participaient du plaisir que l’on éprouvait à être de la partie... Ce village, près de Passéna, est situé non loin de la frontière de la Côte d’Ivoire, pays de fortes migrations saisonnières ou définitives. De fait, on s’aperçoit que les influences ivoiriennes sont beaucoup plus accentuées dans cette région-là du “pays lobi” que dans les autres. Cela se remarque d’emblée quand on arrive à Pèèr Saléla où, à proximité de l’habitat traditionnel qui demeure, s’élèvent des constructions plus modernes. Pour ce qui est des parures, de l’habillement, on remarque le même phénomène tant et si bien que, lors de la fête dont je viens de parler, certaines jeunes femmes portaient du rouge à lèvres (importé du Ghana ou de la Côte d’Ivoire, sinon de Chine !) ce que je n’avais pas encore vu dans d’autres villages, même lors des festivités. Quelques jeunes femmes avaient aussi des tatouages, non plus en saillie - comme les femmes en avaient jadis et peuvent encore en avoir de nos jours - mais encrés, manière de tatouage que ne pratiquaient pas les Lobi. Comme quoi la mode ne cesse d’être en mouvement ; une mode, certes, de plus en plus occidentalisée ! dont il ne s’agit pas ici de savoir si elle est ou non regrettable - les parures traditionnelles seraient plus belles à nos yeux d’Occidentaux, plus exotiques ou du moins plus pittoresques : le propos est de rappeler que l’esthétique du corps est ancrée tant dans la tradition que dans le présent des Lobi. Ce que j’ai d’ailleurs pu observer est me semble-t-il éloquent sur ce point : quatre fois lors de mes différents séjours sur le terrain, je me suis trouvé dans cette savane arborée du “pays lobi” à devoir franchir un marigot alors que c’était jour de marché. Sur la rive, on voit alors, sur des arbustes, les pagnes qu’ont portés les femmes depuis leur départ du village. Si elles se changent ce n’est pas pour faire sécher les vêtements - avec une température d’au moins 30° ils sécheraient tout autant sur elles en quelques minutes - mais pour ne pas paraître négligées sur la place du marché (où elles resteront jusqu’au milieu de l’après-midi) c’est pourquoi les pagnes qu’elles revêtent avant de parcourir les derniers kilomètres qui les séparent de Gaoua sont souvent parmi les plus beaux et les plus assortis qu’elles possèdent : d’où cette admiration que nous autres Occidentaux éprouvons fréquemment à la vue d’un marché africain si “coloré” où les femmes ont tant d’élégance !… Une telle attitude de la part des femmes s’explique par de simples raisons de “bienséance” - Et vaut aussi bien pour les marchés, ce qu’Héléra me disait quant aux funérailles où ils s’étaient tous mis sur leur trente et un : “les habits que nous portons, c’est pour travailler ; il faut se changer lorsque l’on sort”. De même Tyohèpté, venant un jour avec moi à Gaoua avait revêtu un “boubou” tout neuf de couleur bleue et mis des sandalettes en plastique qu’il gardait pour les grands événements : « J’ai porté ça pour paraître bien devant les gens et parce que je vais dans une grande ville. Est-ce que toi tu portes les mêmes habits tous les jours ? Quand tu viens ici, tu te changes ! Moi, je devais aller dans une grande ville, je me suis donc changé pour que les gens sachent aussi que je suis quelqu’un d’important. » Comme quoi, si la préoccupation vestimentaire est de bienséance elle est aussi de prestige, de reconnaissance sociale. Les motivations n’en sont pas moins esthétiques comme le dit encore Hèlèra :

    « Il n’y a que les jolis habits que je voudrais porter, mais je ne peux pas en avoir. Il n’y a pas d’argent, il n’y a pas d’argent pour se faire couper de beaux habits… Tu penses à ces beaux habits mais tu n’as pas l’argent. »

    L’art de s'embellir chez les LobiLa préoccupation vestimentaire a donc partie liée à l’économie et n’est pas non plus sans conséquences sur les mouvements migratoires auxquels il a été fait allusion. Sans aller jusqu’à parler d’esthétique, mais ce n’était pas son propos, Madeleine Père [9] écrivait fort justement, dans une partie traitant de l’émigration dans la société actuelle : « Le vêtement a joué, et joue encore, un grand rôle dans la recherche de l’argent et par suite, dans l’émigration. Toutes les interviews d’hommes ou de femmes sur les causes de l’émigration signalent le besoin d’argent pour l’achat, en premier lieu, des habits. Être habillé est devenu un vrai besoin pour les jeunes générations. La nécessité d’être non seulement bien habillé, mais très bien habillé, ne souffre aucune exception. On reconnaît bien là la fierté de l’ethnie qui ne supporte pas d’être en état d’infériorité, même dans le domaine vestimentaire, ce que pourtant nombre d’Occidentaux trouvent négligeable. » D’ici à penser que les Lobi - pour M. Père du moins - seraient davantage soucieux de leur apparence et de leurs vêtements que ne le sont les Occidentaux, il n’ y a qu’un pas que je me garderais pourtant de franchir ! Car non seulement ce serait abusif et ne reposerait sur aucun argument sérieux, mais aussi et surtout car je pense qu’il s’agir non pas de savoir si le souci du beau est plus profond chez ceux-ci ou ceux-là, mais si, plus simplement, il existe autant pour les uns que pour les autres, et de quelle façon. J’ajouterai également que si ce que dit M. Père n’est pas contestable, il semble bon de préciser que le désir d’être “très bien habillé” n’est pas le propre des jeunes générations mais celui, aussi, des précédentes. En outre, s’il est vrai que les Lobi sont réputés pour leur fierté, je ne pense pas que ce seul fait suffise à expliquer leur désir d’élégance ; dans un même temps, justifier le désir d’être “bien habillé” par un unique souci esthétique ne saurait cependant suffire. Une fois encore, Michel Leiris, rapprochant plutôt que ne séparant les catégories (religieuse, esthétique, sociale) synthétisait au mieux la question : “(...) il paraît indéniable qu’en dehors de ce que peut exiger la protection corporelle immédiate les Africains sont très soucieux de leur tenue extérieure. Que ce souci, en de nombreux cas, repose sur des raisons religieuses ou magiques, ou qu’il soit lié à une soif de prestige, il n’en possède pas moins son côté esthétique, celui-ci se réduirait-il chez certains au seul désir de se présenter avantageusement quand, à quelque occasion que ce soit, ils passent de la sphère de l’existence quotidienne à celle de la festivité.” C’est bel et bien ce que nous avons ici constaté grâce aux témoignages des unes ou des autres - lesquels témoignages ont aussi permis de voir que les évolutions vestimentaires ont de plus en plus “couvert” le corps, tant des hommes que des femmes, bien qu’elles n’aient pourtant pas empêché qu’un même souci d’élégance ait, quant à lui, traversé les ans sans être entamé : que ce fut jadis avec des feuilles ou des cheveux graissés, ou encore aujourd’hui avec des robes coupées sur mesure ou des lunettes de soleil et chemises et pantalons importés, les hommes et les femmes n’en continuent pas moins de se mettre sur leur “trente et un” pour aller à des funérailles, se rendre au marché, participer à telle ou telle festivité.

    En somme, le sentiment esthétique qu’éprouvent les Lobi relativement au corps ne date ni d’aujourd’hui ni de ce que nous pourrions appréhender comme un phénomène d’acculturation. Autrement dit, les Lobi n’ont pas attendu d’être colonisés ou scolarisés pour nourrir des soucis de cet ordre ! Ainsi que cela se produit ailleurs de par le monde, les Lobi ont eu à connaître des changements de mode, des évolutions de styles vestimentaires ; et, ce qui vaut en l’occurrence pour le corps s’applique mêmement à la musique, la poterie, la sculpture.

     

    Julien Bosc (in Tiens n°7, mai 1999)





    Notes :

    1 : Henri Labouret, Les Tribus du rameau Lobi, institut d’ethnologie, 1931.

    2 : Michèles Cros, Anthropologie du sang en Afrique, L’Harmathan 1990.

    3 : Idem

    4 : Thilduu : Pièce obscure à l’intérieur de la maison, dans laquelle sont entreposées les statuettes lobi, réceptacle d’une divinité.

    5 : Arnold Heim, Images d’Afrique et sciences sociales, 1934.

    6 : Jean Suyeux, Carnet de juge, inédit.

    7 : Le Blanc, le Blanc !.

    8 : Population de l’Afrique de l’Ouest.

    9 : Madeleine Père, Les Lobi, traditions et changements, Siloë 1988.

     


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