• L'Ulve cardiaque

     Patrice Thierry

                 En cette grotte de nuit

    me sont advenus les stigmates d’un poison reptilien

     

                En cette contrée

    telle une impasse

    aux bâillantes fenêtres           

                Goulot transi

    d’une campagne

    nervuré d’âmes solitaires

                Pays aux corps meurtris

    ruines illuminées

    de stylets barbares

                Face à un décor

    persistant

    d’irrationnel parfum

     

                Quelques galets

    gercent les mouvances de l'algue

                Aux sables outragés…

                … Lentes pérégrinations des scories

                Blafard humus des camps attardés

                Lent voyage

    vers le vent d’une trompe

     

                Sang froissé

    sous le nénuphar de cette main

    battue

    seule encor            à croire aux drapages des nymphes

     

                Jamais les critiques n’auront connu            telles cohues

    qu’en ces temps de misaines effrangées

    où désespérés bruissent les goitres

     

                Tout ceci n’est qu’un synopsis

     

                - - aux doigts onglés d’étoiles du Xingu *

    sur le front calcinant d’un brouillard

                Ma tête dévoilée            entre un pan de verger

    et un émouvant espace adossé aux lyriques rapaces

     

                Tunnel sanctifié              aux rires de la carie

                Les essaims velléitaires du campement

    s’encerclent en des saillies légères et distraites

                Remous réduits aux branches des faubourgs

     

                Psalmodie des herbages                        recevant l’être chuté

    de l’arbre

    submergé de nuages

    tissure d’amaurose

                Amertume humectant la chambre

    d'ondulantes figures

     

     

                Dans les plis du feu                        s’amincit encor

    le modelage de votre silhouette

                Calcinés                        les touffes du regard

    revèchent aux modestes haltes

     

    insistent à mes poumons

    s’ingénuent à mes mâchoires

    navrent le manège condamné

                Lors une hydre enhardie délaisse le fleuve

    pour se faire gorge

                Votre grotte aux frénésies consacrées de soifs

    meurtrie            d’adverse sous la lampe intimidée

                Praticienne poétique des empires nimbée

    d’insistances ingénues

     

                La source endiguée

    frangée pourtant            de ruisseaux recroquevillés

     

                Éternelle porteuse d’orbe aquatique

                Sur mon intrusion

    incandescent

    parmi une obscure plénitude

    mon dénuement

    vertigineusement happé

    au lierre de la flammerole

                Éternel cerf d’intrigue

    en l’antre des brasiers

     

                Embrasement que vasque d’aurore en terre

     

                Dans ma nuit se lovent des ombres

    tout à la fois bienfaisantes et tragiques

    tel un port en abandon

     

                Colonnes insignes                        d’orages brûlants

    les herbes au radeau des ténèbres

    Tragique orant            sous la verge honorant Isis

     

    Frémissent les remparts du murmure

     

                Vos doigts teignent les vignobles

    brodent des écuries aux hanches

    assouplissent les mains                        aux rixes du gosier

                De ce temps

    indignes des torches

    les turpitudes rouges ou brunes

    béantes et rauques

    s’échinent sur nos crêtes d’ébène

                en l’onde            avide            vos ailes irradient le souffle

                Au rets des membres                        les roseaux du cœur

    s’associent à la meute des nuques frappées

     

                Sous l’arche Dame mariée            lavandière de Bretagne

    recevant le jeune homme

    qui parmi chien et oiseaux

    atteint la main fermée

    où repose la mort de l’ogre

     

               

                Au masque desséché

                Brindilles fourbues

                Votre visage est apparu

                Et folâtre votre Nom

                Grappillé au brandon sous les bris

     

                Ainsi je vous connais

     

     

                Javelot butant sur le tronc

    débris de montagne en mes tempes

                Je m’enfonce en de florissantes exsudations

    un fourrier

                Des anciens marais à la gorge

    le cri soluble d’une mine

     

                            - - émaillée des béliers du royaume

                Faites qu’à chaque époque du Lion

    je sois le Nil de vos terres

     

                Tous deux reposés de l’inondation

                Frissonnant des caresses du nouvel an

     

                Frémira le chêne                        aux champs des griffons

     

     

    Terroir tremblant sous le saule des cataractes

    Muscle ramassé ruisselant

    Mêlé au peloton des roches

     

    Jambes aux lyres des rudesses

     

    Fragment périlleux d’un éclair alourdi

    Recourbé sur le sang de pustuleux fifres

     

    Sanglier éreinté

    D’une flèche ténébreux

    Le caprice des foudres entrecroisées au faix des couches

     

     

    De son îlienne expérience

    La chasse reviendra harassée

    Elevée aux chevelures que relâchent les talions

     

    Carènes au creux des poitrines

    Les rêves résonnent sur la neige déchirée de nos fatigues

     

    Châtié des créances d’une forêt défaillante

    Le breuvage au paroxysme des présages

    Est nectar d’une union de probante cabale

     

    Fléau des brocards de somme

    L’éloquente rapière échappe à l’empreinte

    Louable sacrifice au vaisseau des piquants

     

    L’espace béat s’ancre en un fer sincère

     

    Le rite embarque cuirasse et tempête

    Lame allégée            à l’indicible labile

     

     

                                                     Patrice Thierry

                                         in Ether Vague n°8 (1981)
     & Tiens n°11, 2003.

    * Région centrale du Brésil

    Desssin : Eliette Dambès


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