• La légitimité de M. Emmanuel Macron

    André Bernold


     La légitimité de M. Emmanuel Macron est très faible. Elle est quasi nulle. Il a été qualifié pour le 2e tour avec 18 % des voix du corps électoral, 12 % de la population totale. Puis, Attila étant aux portes de l’Élysée, il a été porté au pouvoir par seulement 44 % du corps électoral, soit 28 % de la population totale (19 millions sur 67 millions d’habitants), 32 % des citoyens inscrits de ce pays ayant préféré s’abstenir, voter nul, ou blanc. Faites vos comptes. Depuis, Attila s’est volatilisé. Il a quand même 8 députés. Faites vos conjectures.

    Les législatives ont eu lieu ensuite dans le plus pur style du Second Empire : avec candidats officiels énormes posant aux côtés d’un individu plus égal que les autres, au milieu d’une poussière dansante d’atomes politiques ou sociaux. Le résultat est un parlement croupion, une chambre introuvable unique dans les annales de la République, et, pour parler clair : le pire désastre en France depuis juin 1940. Un changement de régime a eu lieu, tout le monde s’accorde là-dessus. On peut soutenir que d’une certaine manière M. Donald Trump a été plus démocratiquement élu que M. Emmanuel Macron.

    Du point de vue d’un expert de Sciences Po, la confection, à ciel ouvert, de la candidature de M. Macron est incontestablement un pur chef-d’œuvre. C’est peut-être la plus soigneuse fabrication d’un GOLEM qui ait jamais été entreprise. En termes modernes, l’indispensable catalyseur de cette opération aura été la presse, je garde le vieux mot et le préfère à celui de media, sans s, s’il vous plaît, c’est déjà un pluriel, – car, faire une couverture, cela se dit de la presse, et non pas d’un quelconque medium. Or M. et Mme Macron ont fait, hors campagne, plus de cinquante couvertures de magazines, plus peut-être que Johnny. Certainement plus que M. et Mme Einstein. C’est ce qu’on appelait, naguère, la magie du direct. Car, que voulez-vous, spontanément, en toute liberté, plus de cinquante magazines, ou les mêmes plus de cinquante fois, on s’y perd, ont gracieusement siphonné, ventousé, les icônes, non seulement de M. Macron, mais aussi de Mme. Le tropisme mentionné en dernier lieu équivaut à un coup de génie, de la part des commanditaires de M. Macron. Je parle du candidat. Je ne parle pas du président de la république. Ce dernier est intangible. Son prédécesseur larvaire ne l’est pas. C'est d'ailleurs l'une des particularités des trois dernières élections, qui, à beaucoup d'autres égards, marquent un changement d'époque, que la stature du président soit habitée en creux et minée de l'intérieur (en permanence) par les stratagèmes vulgaires qui ont contribué à la conquête du pouvoir : le kärcher de M. Sarkozy, et tant d'autres Disneyland, le « moi président » du futur président ordinaire, M. Hollande, enfin le vide sidéral propagé par le couple de M. et Mme Macron d'avant la victoire. Le plus sinistre de l’histoire, c’est que tout le monde, même les enfants, sait pertinemment qui se tient immobile, le crâne fendu d’un rire carnassier, derrière cette larve, derrière ce masque, derrière cette personne qui en elle-même n’est véritablement PERSONNE.

    André Bernold (septembre 2017)


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