-
Nous ne savons pas (vœux 2010)
Patrick Lafourcade (en prologue, affiche de Claude Esnault sur fond noir)
NOUS NE SAVONS PAS
Nous ne savons pas où nous allons
Nous ne savons pas qu’il n’y a de vie que risquée
Nous ne savons pas pourquoi la Terre doit tout à la Conscience
Nous ne savons pas, oubliant la pesanteur, nous souvenir qu’il fait bon voler
Nous ne savons pas comment prendre deux bonnes secondes pour taper sur les minutes
Nous ne savons pas et nous ne saurons - caramba ! - jamais faire ce qu’il faut quand il le faut
Nous ne savons pas qu’il est prudent de prendre le temps voulu pour faire l’imbécile
Nous ne savons pas où et quand la mort s’arrête de commencer la vie
Nous ne savons pas pourquoi nous n’avons pas le temps
Nous ne savons pas faire le quintuple saut périlleux
Nous ne savons pas trouver sans chercher
Nous ne savons pas ne pas savoir
Nous ne savons pas filer à l’antillaise
Nous ne savons pas substituer la vie au temps
Nous ne savons pas pourquoi ce jour est le 01.01.2010
Nous ne savons pas que nous ne sommes utiles qu’agréables
Nous ne savons pas pourquoi il ne faut jamais demander pourquoi
Nous ne savons pas que la réponse est déjà entre les cornes de l’escargot
Nous ne savons pas pourquoi, au plus fort de notre activité, que nous ne faisons rien
Nous ne savons pas encore que notre infini n’est qu’un rameau sur l’arbre de l’immensité
Nous ne savons pas pourquoi les larves de cigale restent jusqu’à dix-sept ans sous terre
Nous ne savons pas avec certitude que nos certitudes sont les clés de l’impuissance
Nous ne savons pas pourquoi et comment nous avons tout notre temps
Nous ne savons pas bien ce dont nous sommes capables
Nous ne savons pas assez demander notre chemin aux aveugles
Nous ne savons pas pourquoi ni comment l’univers et nous sommes nés
Nous ne savons pas les vers de terre plus beaux que le Taj Mahal et l’Acropole réunis
Nous ne savons pas, même tombés très bas (étant assis sur nos lunettes) désenchanter l’azur
Nous ne savons pas pourquoi (mais savons comment) nous changeons l’or en pauvreté
Nous ne savons pas que les vagues de la mer savent que nos jours sont comptés
Nous ne savons pas déchiffrer le balancement de l’éléphant, le bond du cabri
Nous ne savons pas que la bible éternelle est écrite sur l’aile des oiseaux
Nous ne savons pas pourquoi vivre tient plus que tout de la musique
Nous ne savons pas que le bleu de Prusse est fait de noir désir
Nous ne savons pas nous arrêter d’organiser la fin de tout
Nous ne savons pas pourquoi le café de ce matin
Était nettement meilleur que d’habitude
Parfumé qu’il était d’azur
Et d’un petit rien
Dansé
Nu
Patrick Lafourcade (02.01.10)
(publié dans la nuit du 4 janvier 2010)
Tags : patrick lafourcade, claude esnault
-
Commentaires
3roy vincentLundi 13 Septembre 2010 à 23:182GanapatrakVendredi 5 Février 2010 à 16:55Bien sûr que nous savons tout, comme l'araignée sait l'architecture de sa toile dans l'espace... mais nous ne le savons pas !
Patrick Lafourcade
1Hélène L.Samedi 30 Janvier 2010 à 14:48Et si au contraire nous savions tout, caché là, au fin fond de nous ?
Ajouter un commentaire
Etrange comme parfois des mots ou des idées font ressurgire des souvenirs que l'on croyait a jamais enfouis au plus profond de notre mémoire...
Ce texte, NOUS NE SAVONS PAS, m'a rappelé une chanson qu'interprétait Jean Gabin et que j'entendais lorsque j'allais, dans mon adolescence, boire un verre dans la vieille-ville de Genève
en voici les paroles:
Quand j'étais gosse, haut comme trois pommes
J'parlais bien fort pour être un homme
J'disais : je sais, je sais, je sais, je sais
C'était l'début, c'était l'printemps
Mais quand j'ai eu mes dix-huit ans
J'ai dit : je sais, ça y est, cette fois, je sais
Et aujourd'hui, les jours où je m'retourne
J'regarde la Terre où j'ai quand même fait les cent pas
Et je n'sais toujours pas comment elle tourne !
Vers vingt-cinq ans, j'savais tout : l'amour, les roses, la vie, les sous
Tiens oui l'amour ! J'en avais fait tout l'tour !
Mais heureusement, comme les copains, j'avais pas mangé tout mon pain :
Au milieu de ma vie, j'ai encore appris.
C'que j'ai appris, ça tient en trois, quatre mots :
Le jour où quelqu'un vous aime, il fait très beau
J'peux pas mieux dire : il fait très beau !
C'est encore ce qui m'étonne dans la vie
Moi qui suis à l'automne de ma vie
On oublie tant de soirs de tristesse
Mais jamais un matin de tendresse !
Toute ma jeunesse, j'ai voulu dire "je sais"
Seulement, plus je cherchais, et puis moins j'savais
Il y a soixante coups qui ont sonné à l'horloge
J'suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j'm'interroge :
Maintenant je sais, je sais qu'on n'sait jamais !
La vie, l'amour, l'argent, les amis et les roses
On n'sait jamais le bruit ni la couleur des choses
C'est tout c'que j'sais ! Mais ça, j'le sais !
Ce qui me plaisait le plus, et me plait toujours autant, est cette petite phrase.
Le jour où quelqu'un vous aime, il fait très beau
J'peux pas mieux dire : il fait très beau !
et c'est tellement vrai!!!
Malheureusement, bien souvent, l'on ne s'en rend compte que trop tard...sur le moment... nous ne savons pas
Amicalement votre
philippe