• Sans filet

    Gwenn Audic

     

    Désespérant tout qui sans fin m’entoure: tous ces mots, toutes ces choses fusent, voilent, composent nuages, brouillards et tourmentes, s’exposent dans mon fond sans jamais arracher leurs visages de sable. Je m’échoue. L’ouate du tout me rebute. 

    Forcée à pénétrer les petits coins des autres avec tous leurs multiples : un angle infime, puis un autre tout aussi infime, auxquels se rajoutent une infinité d’autresinfâmes infimes. 

    Une boue grisâtre efface mon ventre déformé par les taupes de la digestion.

    Infernale torpeur ! Me rabats sur ma ligneuse solitude, ouvre le tube en attendant la prochaine becquée. 

    L’envie de se raccrocher au monde même s’il tombe. 

    Escargot, je rentre mes cornes au coin du feu froid de ma coquille. Autour de moi, les murs vides me paralysent. L’air est plus dense entre quatre pans de béton, il tremble comme de la gelée. Je pourrais m’y enfoncer. 

    Un matelas d’expériences folles étouffe mes ratés : le monde ne voit rien. 

    Seule dans mon enclos, je broute le temps. La présence d’autres me rongerait comme un rat : je deviens toujours l’égout de leurs désirs.

    Mes parties basses exsudent une chaleur collante : m’extraire pour ne pas hurler sous l’intensité de ces brûlures poisseuses. La mort rôde de nouveau. Je la croyais partie, elle était au grenier ; le soulagement n’a été que de courte durée. Il faut bien que j’aie peur… Ma chair est une multiplication insensée, un cancer de la terreur qui pousse en délire de mort.

    Je ne parviens pas à vomir mon corps colonial, n’ai pas l’armée lexicale nécessaire à évacuer mes désastres intérieurs. Sans imaginaire, mon corps étale, piétine et ruine. Un golem sans visage, voilà mon corps sans images, l’incarnation du désespoir, un oui-clos dans lequel nulle porte vers l’invisible ne se cache…

    Gwenn Audic

     


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