• Un marin réparait les bateaux…

    David Dumortier

    Un marin réparait les bateaux. Je me suis sans innocence approché de ses mâts et il m'a craché dessus plusieurs fois. J'avais un regard de malade jeté sur son repas. Nappé et tâché, je me suis plié à ses restes, et il m'a secoué contre lui ; comme du gros pain j'étais tendre, comme un dimanche, j'améliorais mes plats et mes dessous sous le plat de sa main.
    Le plaisir n'est pas dans le liquide, en un coup de mouchoir on se débarbouille et la trame peut garder le souvenir, non, il se charge des projections, cinglantes avec autant de douleurs que les gifles d'une mère de famille nombreuse. Peu souvent un jet frappe l'œil. C'est à ce sursaut qu'il faut non seulement devenir une crachure mais en plus en réclamer d'autres, au point que le marin vous en prive et qu'il se retire au loin, parce qu'il est lui-même devenu une mer qui vous abandonne aux déchets du rebord des plages. Coquillages vides, couteaux et étoiles de mer, la marqueterie des grèves ne tient pas plus que la nacre collée par de la salive sur du bois de mer.
    Je l'ai donc perdu ce radoubeur des ports, le temps s'est écoulé depuis sur mon visage et quand il a touché mes lèvres, je l'ai bu même si ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan inépuisable.


    *


    Je n'ai plus de salive pour mouiller vos terres, et votre jus comment viendra-t-il si je n'ai plus d'eau pour amorcer la pompe : Votre crépine plongée dans un puits asséché.


    *


    La terre vous invite à sentir ses fleurs et vous respirez le début de la pourriture,
    Ô Seigneur enlevez-moi cette errance et envoyez-la moisir aux quatre coins du monde !



    David Dumortier
    in Tiens n°3 (juin 1997)


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