J'ai rayé la gauche de mon vocabulaire
Nous intensifier de gauche politiquement, métaphysiquement et poétiquement ? Une erreur de perception, mais j'aurais essayé.
Ma relation à la gauche commença à l'âge de quinze ans. L'allongement du service militaire, les "rappelés" en Algérie, l'expédition militaire à Suez, voilà ce que décidait en 1956 un socialiste, Guy Mollet, président du Conseil ! (1) Ma méfiance, depuis, a perduré. La gauche donc, je ne l'ai pas vraiment aimée même comme une femme dont on doute.
Désillusion de l'illusion électorale.
La gauche a vendu son âme, le derrière entre deux chaises, pour un bulletin de vote.
On nous promettait justice sociale et justesse existentielle, nous avons eu la social-médiocratie.
Verbalisme, alibi d'une démocratie attrape-mouches, fable du tonneau vide et, Swift déjà le remarquait, les tonneaux vides sont très sonores.
Passée maîtresse dans le ripolinage de l'économie de marché, la gauche paie le prix de la trahison, elle n'a plus aucune valeur.
Dans un article de Julien Benda sur "l'écrivain et la politique" datant du 1er janvier 1935, on peut y lire : "la gauche honore la justice et la vérité et ne les pratique pas. La droite ne les pratique pas et ne les honore pas. La gauche est laide dans sa politique et belle dans sa mystique. La droite est laide dans l'une et l'autre."
Un esprit de Pentecôte a manqué à la gauche usuelle. Cette sensation de l'avenir : le petit truc bleu, notre part de ciel.
L'imagination révolutionnaire, à l'instar de la poésie, est indispensable même si nous ignorons à quoi et comment corriger la réalité, sa brutalité, ses arrogances.
Si la gauche était la gauche, elle resterait fidèle aux combats de l'être. Par exemple, elle se battrait contre les aliénations et pour le plein emploi de la vie. Donner un peu d'élan aux hormones de LA Révélation historique !
"Lorsque la révolte s'annexe toute l'expérience de l'histoire, elle se mue alors en stratégie révolutionnaire. Cette mutation légitime et souhaitable se transforme en duperie si on ne permet pas à la révolte de se maintenir comme toujours possible dans le cours de stratégie même." (2)
Belle lurette que la gauche n'est plus une vocalise de la révolte. L'utopie est aux abonnés absents : pas de champagne dans l'intraveineuse populaire ! Elle n'aura pas été ce milieu affinitaire, cet espace d'arrachement à la lourdeur de l'espèce. La zone vibrante des mutations et d'émancipation globale. Ou c'est transformant ou c'est pas la peine.
Toujours notre nécessité de rompre, de toute reprendre et de partir de l'insignifiance générale dans un ensemble de contradictions ouvertes entre soi et soi quand "l'essence du monde est elle même au Front." (3)
"On enlève la gauche pour mettre la droite, le progrès, ça serait de rien mettre à la place." (4)
Au jour d'aujourd'hui, je n'ai toujours pas épuisé mes réserves de pessimisme.
Ni le chant de la mésange charbonière.
in "Quelle France"
Comme un terrier dans
L'igloo dans la dune
(Janvier 2010)
1) Rebelote en 1991 quand Mitterrand soutient la guerre américaine dans le Golfe. Le président qui avait supprimé la peine de mort en France aura contribué à la rétablir pour les Arabes !
2) Joël Gayraud, La peau de l'ombre, éd. José corti, 2003.
3) Ernst Bloch.
4) Jean-Marie Gourio, Brèves de comptoir, éd. Michel Lafon.