AUTOUR de la Cosmogonie/Cosmologie d’Hildegarde von Bingen (IV)
Chapitre : Physique, Astrophysique, Métaphysique
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L’Univers tel que le présentait Hildegarde von Bingen, images qui lui auraient été envoyées par son dieu, n’a bien sûr rien à voir avec ce que les astrophysiciens, cosmologistes et autres astronomes, je veux dire les savants de notre époque, observent, entrevoient, calculent et postulent, poursuivit le Maître en modernité, mais tous ces gens ont à leur disposition, il est vrai, des outils considérables, des batteries d’énormes télescopes terrestres et satellitaires, des ordinateurs hyperpuissants, ainsi que des collisionneurs géants de particules, car tout ça, je veux dire l’Univers, ça n’est jamais que plein de tas de particules gesticulantes…comme vous et moi mais en beaucoup plus grands les tas, évidemment. On observe, on modélise, on tente et on réussit parfois à reconstituer des phénomènes inouïs et même à recréer, ou dépister, des particules plus ou moins manquantes, le boson de Higgs par exemple. Et puis aussi, ces scientifiques, ils peuvent s’appuyer sur des siècles et des siècles de recherches, de savoirs accumulés et de découvertes majeures. Toujours est-il Dieu a trompé Hildegarde en lui envoyant des images fausses, et qui plus est pas nouvelles du tout puisque les Grecs anciens, quelques-uns très forts mathématiciens et tous spéculateurs éblouissants, soumis à quantité d’autres dieux desquels ils ne faisaient pas grand cas en la matière, si j’ose dire, supputaient déjà bien des choses et avaient bâti des modèles tout à fait étranges qui ont inspiré Hildegarde, consciemment ou non, comme on l’a montré. A moins, que ce ne fussent là que des images purement symboliques, des allégories que lui envoyât Dieu, mais en ce cas il eût fallu prévenir Hildegarde de ne pas tout prendre strictement au pied de la lettre et de décrypter, sinon des esprits critiques, comme moi, se sentiraient en droit de parler de tromperie, car Hildegarde, la pauvre, paraît avoir recraché tel quel tout ce qui lui avait été envoyé…enfin il me semble. A moins…à moins, qu’elle n’ait tenté elle aussi d’abuser les esprits ô combien innocents de ses contemporains, Hildegarde « la lumineusement obscure », comme la qualifiait Vuarnet. Donc l’Univers n’est pas fait d’un emboîtement de cercles ni de sphères, sphères de feu, d’éther, d’eau, d’air et de terre, ce n’est pas une horloge gigantesque qu’animeraient des roues de flammes et que des vents cosmiques et des « planètes » tenteraient de réguler pour éviter un embrasement généralisé. Non ! L’Univers est une toile d’araignée démesurée, et peut-être même infinie, la TOILE COSMIQUE. L’Univers, l’espace-temps devrais-je dire, n’offre aucune rondeur, aucune sphéricité, mais s’étale platement avec en plein d’endroits, il est vrai, des dépressions plus ou moins importantes et des trous sans fond absolument noirs, toutes imprimées et tous creusés par la force de gravitation. Voilà ! Plat, déformé, et troué, tel est l’Univers, l’espace-temps ! Il est très filandreux aussi puisque c’est une toile d’araignée et qu’une toile d’araignée c’est fait de plein de fils. Enfin, les choses sont un peu plus compliquées que cela quand même, vous imaginez bien. Dans les faits, il y a des grandes poches de vide ceintes de murs de matière, matière qui s’est échappée du vide, ce qui fait que le vide s’est vidée pour devenir vide, enfin à peu près, et qui dégouline des murs en longs filaments dans lesquels se forment les galaxies spirales, qui glisseront sur les filaments comme de frêles esquifs sur des torrents de gaz jusqu’à des nœuds cosmiques. Au niveau des nœuds, les galaxies se regrouperont en amas, voire en superamas, c’est-à-dire des groupes d’amas, car, comme se plaît à le dire et à le répéter Françoise Combes, l’une des meilleures connaisseuses du comportement complexe des galaxies (1), « les galaxies sont GRÉGAIRES ». Elles cherchent toujours à se regrouper, à former des amas, voire même à fusionner. Ça va bien ? Jusqu’ici vous me suivez ? s’enquit le Maître en modernité.
Je hochais prestement la tête pour confirmer que je suivais tout à fait bien…enfin, jusqu’ici.
Quand je parle de matière, poursuivit-il, j’entends TOUTE la matière, c’est-à-dire, la matière ordinaire baryonique, qui représente à peu près cinq pour cent de l’Univers, et la matière noire exotique, ou sombre, qui en représente quelques vingt-cinq pour cent. La matière noire on ne la voit pas, elle ne rayonne pas, on ne sait pas de quoi elle est faite, quelles sont précisément les particules qui la constituent, on ne sait rien…si ce n’est qu’elle est partout, elle aussi coule des murs dans les filaments, en abondance, elle enveloppe les galaxies dans de volumineux halos, elle constitue le bulbe central, le cœur massif, des amas et des superamas. Même Françoise Combes, cette grande enquêtrice, scientifique bien sûr, avoue ses nombreuses incertitudes quant à la nature de la matière noire, même si elle a bien des idées là-dessus. Si on ne la voit pas comment sait-on qu’elle existe ? ne manquerez-vous pas de me demander. Les physiciens et astrophysiciens sont gens bizarres et cherchent toujours à mesurer et à calculer des choses a priori impossibles, la quantité de matière contenue dans un amas de galaxies, sa masse, à partir de la vitesse de chaque galaxie le composant, par exemple (2). Ce n’est pas la préoccupation de tout le monde, vous en conviendrez. Il faut savoir que les galaxies sont constamment en mouvement au sein d’un amas, et que la vitesse de leurs mouvements, de leur rotation, dépend de la force de gravitation qui les affecte, autrement dit de la masse environnante. Eh bien, on a calculé que la matière que l’on voyait, la masse lumineuse, était loin d’expliquer à elle seule la vitesse de chaque galaxie, qu’il manquait même énormément de matière, d’où l’idée d’une matière invisible, donc une matière qui n’interagirait pas avec les photons, ladite matière noire. On a mis de côté cette hypothèse pendant pas mal d’années puis on l’a réactivée en approfondissant l’étude des galaxies et l’analyse de leur vitesse de rotation, sur la base d’une distinction entre la masse lumineuse et la masse dynamique qui agit gravitationnellement, en affinant aussi l’image que l’on avait de l’Univers, de l’expansion continue de ce dernier dès après sa naissance, de sa planéité, de son homogénéité et de son isotropie relatives. On a calculé une densité critique d’énergie, donc de matière, pour satisfaire à ces exigences et par rapport à celle-ci, je veux dire la densité critique, on a chiffré le considérable manque de matière, énorme ce manque puisqu’il s’établirait, je le répète, à vingt-cinq pour cent de la masse/énergie de l’Univers, cinq fois plus que celle de la matière lumineuse. Mais, la matière noire n’est pas la peste noire de l’Univers. Elle exerce une vraie fonction bienfaitrice puisqu’elle assure la cohésion et la stabilité des galaxies et des amas de galaxies, desquelles et desquels elle constitue l’essentiel de la masse, et puis c’est elle qui a permis la formation de ces structures à partir de ce qu’on appelle la Grande recombinaison, c’est-à-dire quand la température de l’Univers a baissé suffisamment pour que les atomes puissent se constituer par liaison des électrons et des noyaux, pour que la matière puisse se découpler du rayonnement, car les photons hautement énergétiques dans la soupe ultra-chaude interdisaient aux ions de s’unir. On reviendra là-dessus sans doute. La matière noire, qui n’interagissait pas avec les photons on l’a dit, qui ne subissait pas leur pression, est la première à s’être effondrée gravitationnellement, et elle a creusé des puits de potentiel, des sortes de cuvettes à partir d’un différentiel de densité énergétique, on y reviendra aussi, dans lesquelles la matière baryonique s’est à son tour effondrée pour former les premières étoiles, très très massives ces étoiles qui du fait de leur masse même sont très vite disparues. Mais là, je deviens vraiment technique, s’excusa-t-il avec un sourire quelque peu narquois quand même.
Effectivement, je le reconnus, il le devenait technique…extrêmement technique.
Il est à noter que les premières galaxies furent des galaxies noires, poursuivit le Maître en modernité, et il en reste probablement quelques-unes ici et là, beaucoup peut-être, car on ne peut les déceler que par des déformations de l’espace-temps, ici et là, dans on ne sait trop quels recoins de l’Univers, si tant est que celui-ci ait des recoins. Les flammes noires d’Hildegarde von Bingen sont-elles à rapprocher de notre matière noire ? questionna-t-il. Eh bien non ! répondit-il à lui-même. D’abord, parce que le « feu ténébreux », lui on le voit alors que la matière noire on ne fait que deviner sa présence, en chaussant des lentilles gravitationnelles par exemple (3). Enfin, on voit le « feu ténébreux » sur les images que nous a transmise Hildegarde. Ce feu c’est un peu comme le bras armé du dieu des chrétiens prêt à frapper le méchant, une menace implacable pour l’incroyant et le déviant du dogme. Le « feu ténébreux » d’Hildegarde von Bingen est un archange sombre.
Il prit une ample respiration avant de poursuivre.
Et puis, derrière les murs et les filaments de matière, il y a ces grandes poches de VIDE, intrigantes ces poches. Le vide n’est pas le néant, chacun sait cela…sans trop savoir ce qu’il sait précisément parce qu’il ne peut y avoir d’image du néant, et sans image les gens de la civilisation de l’Image ne savent plus rien. L’absence d’image anéantit le savoir et même son existence propre à celui qui ne sait plus rien. Le néant c’est la déconnexion du virtuel, le royaume de l’Image, donc du non-réel puisque par définition l’image n’est qu’une représentation, donc pas le réel. Le néant c’est la mort, le RIEN d’avant et d’après la vie. En même temps, le néant c’est le réel puisque la vie n’est rien…à l’échelle de l’individu. Le vide, lui, est un océan d’énergie, mais d’une énergie calme et moussue qui donne naissance à tout un tas de particules…VIRTUELLES. Les particules virtuelles ne sont pas que des images, ne sont même pas des images, mais elles existent pourtant…très brièvement. On va voir ça tout de suite. Donc, le vide n’est pas si vide que cela puisqu’il a plein d’énergie en lui, enfin une énergie minimale quand même par rapport au reste de l’espace-temps, l’énergie de base de l’espace-temps, « l’énergie du point zéro » comme on l’appelle. Dès qu’il y a énergie il y a naissance de particules et, dans le même élan, d’antiparticules. L’antiparticule d’une particule présente exactement les mêmes paramètres que la particule, même masse et même spin, mais une charge électrique opposée. Toute particule dispose de son antiparticule mais dès que les deux sont en contact elles s’annihilent, elles s’évanouissent dans un éclair de lumière, ce qui fait que les particules nées de l’énergie du vide disparaissent aussitôt que créées, d’où leur nom de particules virtuelles, virtuelles non pas parce qu’elles n’existent pas mais parce que naissance et mort se font quasi simultanément. On parlera de fluctuations quantiques du vide, et il y en a une infinité de ces fluctuations. De fait, à l’échelle subatomique c’est un bouillonnement constant, la fameuse « mousse quantique » de John Wheeler qui, de votre propre aveu, paraissait encore vous poser profondément question lorsque vous avez évoqué la mousse picturale de Robert Ryman. Ainsi, les grandes poches vides de l’espace sont capitonnées de mousse, c’est-à-dire tout de même emplies d’énergie et de particules virtuelles, mais pas uniquement elles, les poches. Vous vivez, je vis, au milieu des particules virtuelles qui nous effleurent ou nous percutent sans arrêt. Les particules virtuelles sont partout, elles s’immiscent dans la moindre anfractuosité de l’espace et de la matière, jusque dans le noyau des atomes, jusqu’au sein des protons et neutrons où elles servent de transmettrices de force, en l’occurrence de la force nucléaire forte qui lient les quarks entre eux. Les particules virtuelles, ici sous le nom générique de bosons, transportent les forces, toutes les forces, et les amènent ces forces aux particules réelles. Elles interagissent avec les particules réelles. Les particules virtuelles nous offrent un nouvel angle de vision sur le Monde. Dès qu’il y champ d’énergie il y a particule, ai-je dit, mais l’inverse est vrai aussi. Dès qu’il y a particule il y a champ d’énergie. Tout baigne, Hommes et choses, en permanence, dans des champs d’énergie, et il y en a énormément de champs d’énergie, électromagnétique, gravitationnel, etc. etc. C’est la théorie quantique des champs qui nous raconte cette histoire. Pour un physicien, la théorie quantique des champs c’est le Chant du Seigneur, le cœur de diamant pur de la physique contemporaine, pour reprendre l’une de vos images hindouistes, enfin l’un de ses multiples cœurs. Donc, toute particule de matière est liée à un champ d’énergie. Le champ est associé à une force fondamentale et il se propage dans l’espace sous la forme d’une onde. Toutes les particules émergent des vibrations d’un champ et elles suivent l’onde créée comme un surfeur sur la vague, vague qui finit par mourir sur les rivages de l’espace-temps, pour donner une image simple…enfin je crois. C’est ici, sur cette onde, l’onde de probabilités, qu’Erwin Schrödinger va traquer la particule au moyen de sa très fameuse équation. En fait, la particule fait corps avec l’onde. Pour en revenir au vide, l’idée actuelle serait que l’Univers n’a pas émergé du néant suite à une explosion formidable, le gros « Bang », dû à on ne sait trop quoi, mais probablement du vide avec une fantastique poussée provoquée par une accumulation de son énergie due, là encore, à on ne sait trop quoi. En fait on ne sait rien du tout, parce qu’un mur absolument infranchissable se dresse devant la connaissance, celle de la superbe origine, le mur de Planck. Une infime fraction de seconde après ce « on ne sait trop quoi » ON SAIT…ou on imagine savoir, et on tente de réécrire les différents chapitres de l’Histoire, dix puissance moins quarante-trois seconde après ce que j’appellerai le Grand événement, the « Great Event » pour faire anglo-saxon, quarante trois zéros suivis d’un un, si toutefois l’autre côté de cette barrière, «l’avant » qu’elle soit posée, le temps a une quelconque signification, tout comme l’espace du reste, la limite absolue à la connaissance en cosmologie, ventre enserrant un espace-temps infime, si cela peut avoir une quelconque signification, enfin un machin hyperdense et surchauffé. Tout du moins, à partir de cette poussière de seconde, on mesure à peu près comment les choses se sont déroulées, croissance exponentielle de l’embryon d’univers, inimaginable inflation spatiale qui a amplifié les fluctuations quantiques, qui a alimenté en énergie les particules virtuelles pour les pousser dans le réel, qui les a drastiquement éloignées de leurs antiparticules, surgissement des particules dans un plasma surchauffé, baryogénèse, elles sont toutes là les particules, les fermions et les bosons, et les antiparticules aussi, donc reprise de l’annihilation mais infime avantage pour les particules, ce qu’il reste de matière aujourd’hui, nucléosynthèse c’est-à-dire assemblage des quarks pour former les protons et les neutrons puis des protons et neutrons pour constituer les noyaux atomiques, chute vertigineuse des températures, passage d’un très bref état totalement translucide à un état beaucoup plus long et absolument obscure, jusqu’à la recombinaison, dont on a déjà parlé, et la réionisation due initialement au rayonnement intense émis par les premières étoiles, très massives on l’a déjà dit aussi, puis à celui des autres étoiles et des quasars, c’est-à-dire des trous noirs dotés de disques de matière accrétée absolument rayonnants avant qu’ils ne soient absorbés. A côté du champ « d’Inflaton », épandement ou épanchement inextinguible de l’énergie du vide suite à engorgement qui serait à la base de l’inflation puis de l’expansion continue de l’Univers, comme un inconcevable évier spatiale qui se serait bouchée et dont on ne parviendrait pas à circonscrire l’inondation, le Grand événement donne naissance à un nouveau champ d’énergie, le champ de Higgs. Comme tous les autres champs, le champ de Higgs dispose de sa propre particule, le fameux boson de Higgs, dont on serait parvenu à recueillir la timide signature dans le grand collisionneur d’hadrons de Genève. Et ça n’était pas là chose aisée parce que ledit boson est aussi une particule qui ne fait que passer très très vite, une particule virtuelle là encore. En vertu de l’équivalence masse-énergie et des principes d’indétermination (4), on sait que plus la masse d’une particule est importante plus ladite particule est énergétique et plus sa durée de vie est brève, et la masse du boson de Higgs est très très grande, cent trente fois celle du proton, ce n’est pas rien. En conséquence, sa durée de vie n’est que de dix puissance moins vingt-deux seconde, vingt-deux zéros avant le un. C’est dire que ça va vite et que ça ne dure pas longtemps ! Il faut considérer le champ de Higgs comme étant le champ primordial de l’Univers nouveau-né, son berceau en quelque sorte…avec le champ d’Inflaton bien sûr, les relations véritables entre les deux champs étant encore loin d’être fermement établies. Mais, un champ n’est jamais statique et il réagit fortement aux conditions de l’Univers. Plus l’Univers est jeune, plus il est chaud et plus il est SYMÉTRIQUE. En gros, il est pareil partout, les forces sont unifiées en une « superforce », la force électronucléaire, et comme le précise Tri Xuan Thuan les particules sont « interchangeables » (5). Avec le temps, en quelques infimes fractions de seconde, il se refroidit, il se dilate, et il accuse des « brisures » de symétrie. Ainsi, le champ de Higgs connaît des « changements de phase » c’est-à-dire des changements d’état. Au tout tout début il est extrêmement liquide et les particules y circulent tout à fait librement, comme du menu fretin dans une flaque océane coincée entre deux rochers, puis il devient gluant et les particules sont alors ralenties plus ou moins vivement. Avec la CRISTALLISATION du champ de Higgs, les particules acquièrent une masse, et une masse qui diffère selon l’inertie qui leur est imposée par le champ, inertie dépendant elle-même de la nature desdites particules. On dira que certaines particules interagissent avec le champ alors que d’autres n’interagissent pas du tout, le photon, ou très peu, le neutrino. Le photon n’a donc pas de masse et le neutrino en a une très petite seulement. Au fil des phases, toujours en quelques infimes fractions de seconde, la force électronucléaire, celle de l’unification, se scindera en force nucléaire forte et force électrofaible, et puis la force électrofaible en force nucléaire faible et force électromagnétique. Pour ce qui est de la force gravitationnelle, on ne sait pas trop. Peut-être s’est-elle séparée des autres forces avant le Grand événement, ou tout juste après, mais pour s’en assurer il faudrait abattre un sacré mur, le mur de Planck bien sûr. Tout ça pour dire que quand on s’intéresse à ces choses, on n’arrête pas de jongler avec l’infiniment petit et l’infiniment grand, avec le macrocosme et le micro microcosme, et l’on ne cesse de tituber entre la mécanique quantique et la relativité générale. Bon ! Tout ceci, je veux dire toutes ces histoires de particules et de forces, c’est pour vous donner le contexte, mais où je veux vous emmener véritablement c’est vers une image, une image absolue puisque la toute première, vers mon ICÔNE à moi…et celle de quelques autres aussi, inévitablement, le fond cosmologique micro-onde qu’à peu près tous considèrent comme étant le rayonnement fossile du « Big Bang ». Pour moi, sa découverte constitue un beau cas de sérendipité que je vais m’empresser de vous raconter.
Le Maître en modernité triomphait. Il frétillait en plein dans son élément « tel le menu fretin dans la mare océane coincée entre deux rochers », pour reprendre sa jolie formule.
La sérendipité, poursuivit-il, c’est quand on travaille âprement à quelque chose, que l’on recherche frénétiquement ce quelque chose, et qu’on trouve fortuitement tout à fait autre chose, un absolument inattendu qui peut chambouler les idées que l’on se fait du Monde, vous vous diriez les révolutionner. Dans le cas d’espèce, à cette époque, il s’agissait d’améliorer les communications téléphoniques et de mieux comprendre les ondes radios, aussi deux astrophysiciens (6) avaient-ils fabriqué une antenne en forme de grand cornet, une oreille spatiale, pour pousser plus avant leurs investigations sur le sujet et ce qu’ils captèrent c’est un bruit de fond, étrange par son ampleur et sa persistance, bruit qui leur arrivait de toutes les directions. En rapprochant leur « découverte » des travaux d’autres équipes de scientifiques et de spéculations bien antérieures, ils comprirent qu’ils avaient mis le pied, ou plutôt tendu leur oreille-cornet, sur/vers le fameux « fossile ». Je vous la fais simple mais c’est là une histoire que tout le monde connaît. Plus tard, on a envoyé des satellites d’abord pour repérer la source du bruit et peut-être pour la cartographier et l’imager, ce qu’a réalisé avec une certaine précision le dernier, le satellite Planck. Que voit-on en définitive ? Un ellipsoïde parfait, homogène et isotrope en apparence. Quand on évoque l’homogénéité et l’isotropie de l’Univers, c’est un peu introduire les visions d’Hildegarde et la notion musicale d’HARMONIE dans la cosmologie. Mais à quoi correspond cet objet, ou cette représentation d’objet, la représentation d’un objet elliptique ? L’œuf ardent d’Hildegarde ou celui de votre Brahma ? L’Univers encore à l’état d’embryon généré par le « Big Bang » ? Ni l’un ni l’autre. Il s’agit de l’image de l’Univers trois cent quatre-vingt mille ans après le Grand événement. Pourquoi Trois cent quatre-vingt mille ans ? Parce qu’on ne peut rien voir avant. La température démentiellement élevée ne permet pas aux atomes de se former, aux électrons de graviter autour des noyaux pourtant déjà constitués, les photons ultra-énergétiques les en empêchent, mais aussi les électrons circulent dans tous les sens et forment un brouillard qui interdit aux photons d’échapper aux protons, les photons interagissent avec les électrons et les protons, ce brouillard rend l’Univers opaque et même totalement obscure. Sans photons on ne peut rien voir ! A Trois cent quatre-vingt mille ans après le Grand événement, la température de la matière ayant considérablement chuté du fait de l’expansion de l’Univers, les électrons sont capturés par les noyaux atomiques, l’univers est déionisé car les atomes sont électriquement neutres, et les photons peuvent désormais filer dans un espace largement ouvert pour eux. Fiat lux ! Que la lumière soit ! Restent beaucoup de questions quand même. Comment peut-on voir l’Univers dans l’Univers, comme si chaque adulte avait collé sur son ventre ou sur son dos l’image, indécollable, de l’enfant qu’il a été ? Quel rapport entretient cette image avec le bruit capté par l’oreille-cornet, autrement dit qu’est-ce qui lie le son à l’image ? Et puis, n’est-ce pas la question de la réalité de nos perceptions qui nous est posée, voire celle de la Réalité tout court ?
Il y eut comme une suspension du temps. Le Maître en modernité tentait de regrouper ses savoirs et les produits de sa propre réflexion car les questions qu’il agitait étaient d’importance. Il réfléchissait, et c’était beau à voir. La réflexion s’apparente à la prière. J’aime regarder les Hommes réfléchir ou prier, quand ils le font avec ferveur et qu’ils plongent aux plus insondables profondeurs de leurs esprits ou de leurs âmes, ce qui revient au même. Mais je dois admettre que j’en ai plus vu s’absorber dans la prière et dans les belles pratiques de dévotion, surtout dans l’intimité des temples de l’Orient, que s’aventurer dans les méandres de leurs cerveaux à la recherche d’idées puissantes et structurantes car bien souvent ils ne font que s’y égarer dans une quête désespérée d’eux mêmes. Le Maître en modernité, lui, réfléchissait…avec ferveur. Pour ma part, je ne prie jamais et les méandres de mon cerveau sont aussi « dédalesques » que le labyrinthe conçu par le père d’Icare (7). Trop souvent me manque le fil pour m’y convenablement diriger.
J’osais tout de même une intervention au risque de bouleverser le bel édifice qu’il s’évertuait à construire.
Cristallisation, quel mot merveilleux ! m’exclamai-je tout à fait à contretemps, avec beaucoup de retard, j’en conviens, un mot aux accents stendhaliens, bien sûr, mais je ne ferai pas pour autant du champ de Higgs un chant d’amour. Quoique !... Les amours de l’énergie et de la matière ? Encore une histoire de frottement ! Comme vous avez réintroduit l’harmonie dans votre exposé, il me renverra plutôt à une assez jolie formule que j’ai puisée récemment dans l’admirable texte qu’Ossip Mandelstam avait écrit à propos de la musique de Scriabine et du christianisme. « L’harmonie, dit-il, est une éternité qui s’est CRISTALLISÉE, elle est toute entière dans la césure transversale du temps : dans cette coupe temporelle que connaît seul le christianisme » (8). Voilà ! C’est tout à fait digne d’Hildegarde von Bingen…par sa lumineuse obscurité. C’est là une formule à laquelle je ne comprends pas grand chose, je l’avoue, parole intime de poète, mais qui renvoie en peu de signes à la cristallisation, c’est-à-dire à la densité et à l’éclat, à l’harmonie, c’est-à-dire à la musique, au temps ou plutôt à son antiparticule, l’éternité, c’est-à-dire à l’infinitude, un au-delà du temps, et du même coup, si je vous ai bien suivi et compris, à Hildegarde von Bingen. L’Univers harmonieux en tant que cristallisation de la Parole de Dieu, dense, éclatante et intemporelle. Et puis, il y a cette galaxie à la spirale entropique que Robert Smithson avait déposée sur le Grand lac salé de l’Utah, galaxie que je me plais à évoquer sans cesse (9), spirale cristallisée constituée de milliards d’étoiles, les cristaux de sels qui se développent eux-mêmes en spirale. Intuition de la géométrie fractale, les parties y sont à l’image du tout et inversement.
Ce n’est pas trop mal dit tout ça, convint le Maître en modernité. Je n’aurais jamais songé à citer Mandelstam dans cette affaire. Bon ! Pour en revenir au son et à l’image, pas grand rapport en fait. Le film de la création paraît être totalement désynchronisé. Le bruit capté n’est pas le gros « boum ! », ou l’énorme « bang ! » d’une explosion démultipliée par Echo, auquel on aurait pu s’attendre mais une espèce de feulement très faible et continu, inaudible pour une oreille simple, si elle n’est très volumineuse et en cornet, de long souffle comme celui émis pour gonfler une baudruche, pour faire se dilater un ballon incommensurable à l’enveloppe très fine. Enfin, c’est comme ça que j’entends la chose, moi. Françoise Combes, cette grande connaisseuse du « Big Bang », distinguée prêtresse des sciences dures, ne serait sans doute pas sensible à cette image de baudruche. Quoique…Ici l’image qui nous est donnée à voir, un peu décevante bien que pleine d’informations primordiales, est celle d’une petite mer intérieure qui serait agité d’assez faibles vaguelettes électromagnétiques, lesdites micro-ondes, ou bien encore une grosse olive plus ou moins piquée de couleurs, ou marbrée par d’infimes variations de température, carte d’un univers primordial archifausse dans la forme et dans les proportions à l’instar d’un planisphère puisque, en fait d’ellipsoïde, c’est d’une sphère enveloppante qu’il s’agit, étrange retour d’Aristote et de mes frères Grecs…et d’Hildegarde aussi, évidemment. L’astrophysique plonge ses yeux technologiques au cœur du temps pour contempler des images fantômes projetées par les photons malicieux âgés de plus de treize milliards d’années, photons auxquels le principe créateur, tout aussi malicieux, a limité la vitesse de déplacement alors qu’Il en accordait une plus grande à toutes les structures fixes mais dérivantes du fait de l’expansion de l’Univers (10). Les photons ont mis beaucoup de temps pour nous arriver et encore plus avec le gonflement frénétique de l’Univers. Un fantôme d’univers est-il une réalité ou une illusion ? Serait-ce alors un fantôme qui marquerait les limites de notre horizon cosmique (11) ? La Réalité, à laquelle je crois, moi, est faite de choses que l’on ne perçoit pas directement. Par exemple, dans le SPECTRE électromagnétique, en dehors de la lumière immédiatement visible, il y a quantité de longueurs d’ondes qui échappent complètement à notre perception à moins que l’on ne dispose des instruments adéquats pour les capter. De même, tous les autres champs d’énergie et les particules qui vont avec, ou bien encore tous les gènes de notre ADN et toutes les protéines de notre corps qui nous déterminent en totalité, on ne les voit ni ne les entend ni ne les sent. A l’inverse, pratiquement toutes les images, nombreuses voire pléthoriques, qui nous sont fournies par les astrophysiciens ne sont que des traces, des « fossiles », d’événements énormes qui se sont déroulés il y a des millions, voire des milliards d’années, et dont les objets résultants sont, quand ils n’ont pas carrément disparus, tout à fait différents présentement de ce qui nous est proposé à contempler, ce qu’ils étaient il y a des millions voire des milliards d’années. Seule l’image hors âge est accessible mais elle ne témoigne de rien d’autre que d’un « passé » hors âge. Illusion d’une réalité donnée pour intemporelle. En sciences, que ce soit en astrophysique, dans la recherche médicale, ou ailleurs, quand on veut approcher de la « Réalité », on part d’un effet tangible et on construit des modèles, mathématiques ou non, toujours mathématiques en Physique, on fait des simulations informatiques, on procède à des tests en laboratoires ou ailleurs, que l’on affine au fil du temps, pour cerner des causes souvent multiples et minuscules. Ainsi, brique à brique, on reconstruit des parties de mécanismes et des bouts de systèmes que l’on s’empresse de confronter à ce qu’il est permis d’observer. Il n’y a pas d’autre réalité que complexe et appartenant à l’infiniment petit. Donc, les astrophysiciens observent, l’Univers, le Cosmos, l’Espace, comme on voudra, au moyen de formidables machines à remonter le temps, développent des équations compliquées empruntées à la Relativité générale et à la Physique quantique, en conçoivent parfois de nouvelles, complexes celles-ci, qu’ils inscrivent dans des théories absolument déroutantes, Cordes, Supercordes, Gravité quantique à boucles, simulent des rotations et des fusions de galaxies, des explosions de supernovas, des mouvements de fantastiques marées cosmiques entraînant des nuages de gaz atomique ou ionisé et de poussière d’origine stellaire, observent la structure et le développement de la toile cosmique sur des modèles en 3D qu’ils font pivoter comme bon leur chante, puis ils provoquent des gigantesques collisions de matières circulant à des vitesses proches de celles de la lumière dans des tubes d’ultravide pour que finissent par se déclarer enfin des particules jusqu’alors supposées être, jusqu’ici dissimulées dans la mousse ou ailleurs, et révéler ainsi certains mystères de l’Univers. Pour en revenir au fond cosmologique micro-onde, ou au fond diffus cosmologique si on veut, mais en le considérant sous un angle qui vous est plus « familier », si l’Univers et Dieu sont confondus, le premier étant la manifestation du Second comme l’affirmait Hildegarde von Bingen, absolument convaincue de et par ses visions, révélation qu’elle transmettait au travers de ses enluminures, entre autres choses, la fameuse unicité dont on a déjà beaucoup parlée, eh bien on est là en présence d’une image de l’ordre de la Sainte Face, l’image acheiropoïète absolue, la « Vera Icona » de notre temps. Bon ! C’est là une idée parmi d’autres, une fantaisie mystique que je vous livre comme elle m’est venue, mais la pensée mystique c’est votre domaine, ne l’oublions pas, me concéda d’un air un peu roublard le Maître en modernité. Savez-vous que quelques scientifiques désignent sous le nom de « doigts de Dieu » certaines structures galactiques de forme allongée, et pourquoi ne pas y voir les doigts qui tendent le saint phylactère à Hildegarde pendant que nous y sommes ? poursuivit-il tout guilleret.
Plus sérieusement, reprit-il, de son ton doctrinal cette fois, je repartirai SUR, ou je reviendrai Á, ma fausse olive tavelée de couleurs, sorte de Sainte Face faussement elliptique et pleine de taches de rousseur, hé bien comme je l’ai déjà insinué ces taches correspondent à d’infimes variations de températures en certains endroits qui correspondent à de tout aussi infimes variations de densité de matière. Quand je dis infime c’est que ça n’est vraiment pas grand chose. Dix puissance moins cinq, autrement dit cinq zéros avant le un, ou encore un cent millième, c’est pas beaucoup en terme de variation. Donc, de parfaitement homogène et isotrope qu’il était à l’origine, il était le même en tous points et dans toutes les directions, l’Univers du fond cosmologique l’est légèrement moins. Il accuse certaines « anisotropies », des grumeaux qui ont eux aussi plus ou moins la forme d’ellipsoïdes et qui sont dus aux différences de densité et de température ainsi qu’à la gravitation. Un ellipsoïde rappelons-le est un objet en forme d’ellipse mais à trois dimensions, longueur, largeur, hauteur, trois axes de développement possibles, donc un volume mais ici extraordinairement petit, un grumeau dans cette nappe de farine qu’on appelle « la surface de dernière diffusion », l’Univers au sortir de son âge opaque, l’Univers de la Grande recombinaison. Cet Univers est immédiatement travaillé par deux forces, des forces concurrentes, enfin je dis concurrentes mais dans les faits elles travaillent parfaitement ensemble… dans des sens différents. La force gravitationnelle procède par effondrement, elle travaille donc sur l’axe vertical en l’écrasant et tend à aplatir fortement les objets, ce qui joue par conséquent sur l’axe de largeur, ou de profondeur. L’expansion travaille sur l’axe horizontal, bien sûr, et allonge les objets. On parle des « pancakes », les crêpes, de Zeldovitch, du nom du physicien russe qui a mis au jour le phénomène. C’est à partir de ces objets plats et fortement allongés que plus tard on obtiendra les murs et aussi les filaments. Mais avant tout ceci, pour rester dans le domaine de la pâtisserie, les astrophysiciens se plaisent à comparer le fond cosmologique micro-onde à un gâteau avec des pépites de chocolat que l’on mettrait au four. L’expansion telle la levure ferait gonfler le gâteau en cours de cuisson et de ce fait éloignerait les pépites les unes des autres et créerait des poches de vide. La gravité va faire enfler les pépites, les grumeaux qui représentent les « pics » de densité qui vont encore acquérir davantage de densité. Ces pics de densité vont devenir les nœuds qui constitueront les amas et les superamas de galaxies. Donc, trois destins possibles pour les grumeaux, les murs qui enserrent les vides, les filaments de matière, et les nœuds où se logeront les grosses structures (12). Tous les éléments étant réunis, bien que pas encore tout à fait en place, la toile cosmique peut être tissée.
Je dois signaler que le Maître en modernité émaillait son discours de termes d’inspiration mathématique dont certains liés à d’hydrodynamique, « champ gaussien », bon on voit à peu près la courbe en cloche, « champ non gaussien », là on ne la voit plus du tout, mais aussi « dynamique lagrangienne », « dynamique eulérienne », « opérateur hamiltonien » et j’en passe, toutes notions que j’évacue de ma modeste relation de nos conversations, parce que, d’une part, elles l’alourdiraient considérablement, et que, d’autre part, j’étais bien loin de maîtriser ce langage comme il eût convenu. De la même façon, je passerai sur les équations, pas forcément très compliquées, qu’il ne pouvait s’empêcher d’aligner. Le Maître en modernité était un philosophe doublé d’un scientifique, ou bien l’inverse, et parfois même un poète…à l’instar de Gaston, son père spirituel, est-il besoin de le rappeler ? Moi, je n’étais rien de tout ceci et c’était donc souvent difficile de le suivre dans tous les arcanes de son discours protéiforme. Aussi, je m’efforçais de prendre des notes…le plus que je pouvais car il parlait à très haut débit, ce diable d’homme.
Et puis, la matière noire vient se coller à tout ça sous forme de halos, poursuivit-il après une courte pause. Bon ! Je sens bien votre inquiétude. Si je vous raconte ces choses c’est pour vous assurer que le Monde n’a pas été créé en six jours, même si au départ tout est allé à une vitesse folle, quelques infimes fractions de seconde. En fait, l’Univers est en constant devenir, un « work in progress » en quelque sorte qui ne sera jamais terminé, et la toile cosmique s’est, ou a été, tissée au fil du temps, et elle continue et continuera d’évoluer. La toile cosmique, comme toute toile, est un réseau constitué de filaments. Ces derniers sont tous connectés les uns aux autres ce qui fait dire que « la toile cosmique est multi-connectée ». Ceci c’est parfaitement compréhensible me semble-t-il ! Les filaments convergent tous vers les nœuds qu’ils relient entre eux, mais ils ne convergent pas n’importe comment. Sandrine Codis (13), une bonne connaisseuse de ce sujet, prend l’image d’un paysage montagneux, dans lequel les filaments seraient des lignes de crête qui joindraient les nœuds cosmiques, « pics » de densité ou pics rocheux, en passant toujours par des points « selles », des cols. Un filament passe toujours par un seul point « selle » entre deux pics. Toute cette structure se trouve déjà dans le tavelage coloré de l’olive, dans les grumeaux de la nappe de farine, qui vont s’allonger les uns vers les autres du fait de la gravitation et de l’expansion, comme on l’a vu. C’est la forme initiale et la hauteur des pics, leur densité, qui définira la direction des lignes de crête, les filaments. Je vous confirme que les physiciens et astrophysiciens sont des gens vraiment bizarres et qu’ils cherchent toujours à mesurer et à calculer des choses a priori impossibles. Sur la base de diverses théories mathématiques renvoyant à la topologie différentielle, à l’hydrodynamique encore etc. etc. , théories de Morse et de Longuet-Higgins, formule de Kac-Rice, par exemple, ils vont chercher à déterminer, dans un champ de densité donné, un fragment d’espace, le nombre de pics et comment ils vont se former, le nombre de selles et de vides, la longueur des filaments et le nombre de connections d’un nœud, la surface des murs etc. etc. Et puis on va bâtir les fameux modèles 3D en s’appuyant sur cette masse de données. La connectivité c’est vraiment important parce que plus il y a de connections, plus il y a de filaments branchés sur le nœud, plus il y a d’apport de matière, et plus un pic est haut, donc plus un nœud est dense, plus il est connecté. C’est pareil pour les galaxies. Plus une galaxie est dense plus il y a de filaments qui la nourrissent avec du gaz, mais les filaments n’ont pas tous la même importance. Seuls deux ou trois vont apporter beaucoup de matière. Du reste, au fil du temps, avec l’évolution de l’Univers, le nombre de filaments va se réduire car certains d’entre eux vont fusionner et ainsi la connectivité va diminuer. Toujours est-il, trop d’apports de matière fait « engraisser » les galaxies, elles vont acquérir de la masse, trop, et les rendre pataudes dans leur mouvement de rotation, d’autant plus que celui désordonné de leurs étoiles soumises aux champs de marée créés par la matière de la toile tend à les étirer. Elles vont éprouver quelques difficultés à construire des disques et tout ceci va nuire à leur fertilité, à la production d’étoiles, car c’est dans les bras spiraux du disque que sont fabriquées les étoiles. C’est bien sûr dans les nœuds de la toile cosmique, lieux de forte densité et de forte connectivité, que l’on va trouver les galaxies les plus massives, c’est-à-dire majoritairement des galaxies elliptiques qui ne forment plus, ou beaucoup moins, d’étoiles. Les elliptiques sont de vieilles galaxies, probablement d’anciennes galaxies spirales pour la majorité d’entre elles. Les nœuds, multi-connectés, sont isotropes en ce qu’ils reçoivent de la matière à accréter, du gaz, de toutes les directions ce qui fait que l’accrétion ne peut se faire de manière cohérente, tandis que les filaments, qui sont comme des tuyaux, ne peuvent recevoir de la matière que de deux directions, soit par un bout soit par l’autre, et donc les disques des galaxies peuvent se construire eux de façon tout à fait cohérente. Ainsi, le débat à propos des formes géométriques spatiales que nous avions amplement entamé lors de notre conversation sur la musique, ellipse versus cercle, puis spirale versus ellipse, se réinvite-t-il en force dans la cosmologie contemporaine. Il s’est adapté lui aussi. Il s’est « modernisé ». Et pourtant, convenons qu’il s’agit bien d’un faux débat. Les formes géométriques pures n’existent pas dans la « Nature ». Dans la « Nature », il n’existe pas de cercle, de sphère, de spirale, d’ellipse, ni même de ligne droite, ni de quoi que ce soit d’autre, de formellement et naturellement pur. Par exemple, la Terre n’est pas une sphère parfaite puisqu’elle est aplatie aux pôles et légèrement enflée à l’équateur, un vague ellipsoïde là encore, et puis aussi elle est très rugueuse, toute bosselée, toute couverte de montagnes qu’elle est. Une forme géométrique est une modélisation scientifique, ou une stylisation artistique, d’une forme naturelle, aux contours moins fermement définis, moins précisément établis, beaucoup moins purs. Parfois, ce n’est qu’un jeu plus ou moins compliqué de mathématiciens qui se font appeler…géomètres, l’archange-architecte et son polyèdre par exemple, l’image d’Albrecht Dürer, duquel vous m’avez beaucoup parlé, derrière lequel se cache peut être la « vraie » face de Dieu. Le polyèdre en tant que face géométrisée ou stylisée de Dieu que l’archange, géomètre imparfait ainsi que théologien et métaphysicien absolument inabouti, n’arrivera jamais à terminer, d’où sa mélancolie…Il ne pourra jamais sortir du quadrivium (14), il ne pourra jamais le dépasser. Plus prosaïquement, on a toujours cherché à appliquer des formes euclidiennes à la Nature, ou ce qu’on entend par Réalité, pour tenter de la comprendre, de remettre un peu d’ordre dans ce que l’on percevait à priori comme relevant du « chaos », mais ce ne sont là que des abstractions mentales, peut-être des schémas mathématiques innés à ranger dans la boîte archétypale de Jung.
Le Maître en modernité me parla encore de choses cette fois-ci SI compliquées, enfin pour mon entendement, que je ne pus les retenir dans tout leurs détails, d’un effet de « directionnalité » par exemple, c’est-à dire d’alignement ou non du mouvement des galaxies, de leurs spins, sur l’axe des filaments, de formation des halos de matière noir, et puis par un certain enroulement des murs créant un champ de vorticité dans le filament, d’accrétion de matière au fil du voyage des galaxies spirales et de leurs halos vers le nœud cosmique les rendant plus massifs et de moins en moins alignés, je veux dire leurs spins, avec l’axe du filament etc. etc. En plus clair peut-être, lors de leur formation les filaments cosmiques créaient des tourbillons, les vortex de ladite vorticité, qui fonctionnaient à la manière d’aspirateurs de matière, baryonique et noire, permettant ainsi aux galaxies de se développer et d’aligner leur axe de rotation, autrement appelé « moment angulaire », sur celui desdits filaments. Une galaxie spirale aligne « parfaitement » son axe sur celui du filament qui l’alimente et la véhicule, ou plutôt c’est l’axe de rotation de la spirale qui aligne la galaxie dans l’axe du filament, et la galaxie tourne magnifiquement, un peu comme une toupie. Une galaxie elliptique, et il s’en forme quand même dans les filaments même si c’est dans les nœuds, les amas, qu’on les rencontre le plus fréquemment, est complètement chahutée par le mouvement aléatoire de ses étoiles, elles-mêmes chahutées par les marées crées par la matière environnante, comme le Maître en modernité venait de l’énoncer, et l’elliptique ne tourne pas ou peu et s’étire « paresseusement » le long du filament tel l’été un baigneur helvète se laissant dériver sur un cours d’eau de ce bien trop superficiel pays (15). Bon ! Finalement, est-ce plus simplement dit ? Pas sûr ! Pour moi tout ceci commençait à devenir assez abstrait. J’atteignais mes limites de « pure » compréhension mais, en définitive, c’était plutôt rassurant car si je comprenais tout, donc si j’en arrivais au bout du compte à savoir tout, si je devenais omniscient, eh bien j’atteindrais tout simplement le stade du NON-ÊTRE puisqu’ÊTRE c’est être en mouvement permanent vers la connaissance. Le stade du non-être, du non mouvement de l’esprit, eh bien c’est la mort. Tout du moins c’est ce qu’affirmait Kazimir Malevitch, ou à peu près, si je me rappelle bien de ce que m’avait rapporté à son sujet le Maître en modernité. Le Maître en modernité, lui-même, malgré son grand savoir, quasi encyclopédique ce savoir, eh bien il ne savait pas tout. Parfois, pas très souvent il faut le reconnaître, il confessait quelques lacunes dans tel ou tel domaine, mais très vite il relativisait ces carences en précisant que si une chose lui avait échappée c’est que cette chose n’était pas très importante. En fait beaucoup de gens font ça, des gens beaucoup moins savant que le Maître en modernité, mais ils le font par orgueil refusant d’admettre leurs insuffisances souvent criantes. On peut affirmer que le Maître en modernité, lui, positivait ses lacunes reprenant la protestation d’une dame que j’ai souvent citée : « On ne peut pas tout savoir quand même ! ». Il ajoutait immanquablement : « mais il faut s’y évertuer…même si ce n’est pas très important ». C’était positif puisqu’il se fixait pour objectif de les combler, ces lacunes…et au plus vite encore !
Françoise Combes, la grande anatomiste de l’Univers, le déclare sans ambages : « L’Univers est fractal », poursuivit le Maître en modernité. Elle veut signifier par là que la structure de l’Univers est invariante à quelque échelle que ce soit, c’est-à-dire que l’on considère une petite partie de la toile cosmique, ou une plus grosse, ou ce qu’on croit être sa totalité, on voit toujours la même chose, des poches de vide, des murs enserrant ces vides, des filaments, véritables fleuves de matière, qui aboutissent immanquablement à des nœuds où se regroupent les galaxies, en un mot une toile d’araignée sous quelque angle et avec quelque degré de précision qu’on puisse l’observer, ou encore une grosse éponge comme préfèrent la décrire certains. Les formes complexes approchées par la géométrie fractale, peuvent être soumises aux mêmes remarques que les formes géométriques « simples », celles décrites par la géométrie euclidienne, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas absolument « pures » comme pourraient le donner à supposer les abstractions mathématiques des Hommes. La Nature est bourrée de fractales, serait-on tenté de croire, emboîtement de poupées russes partout, pommes de pin, flocons de neige, cœur des marguerites, nuages dans le ciel, delta de certains fleuves, côtes déchirées de bien des régions du monde, réseau capillaire, ramure des arbres, nervures des feuilles, partout…sauf que les fractales naturelles n’existent pas. N’existent que des modèles fractals réalisés par les mathématiciens pour cerner puis décortiquer des structures complexes ponctionnées dans la « Nature », la Réalité, paraissant présenter, ou présentant, certaines répétitions, itérations, récurrences, autosimilarités. En ce sens, celui d’une approximation, la toile cosmique est bien fractale…enfin très approximativement.
L’astrophysicien John D. Barrow et quelques autres ont procédé à l’analyse mathématique des « drippings » de Jackson Pollock et ils y ont discerné très nettement une structure fractale, intervins-je en recherchant activement dans ma poche mon petit carnet particulier. Voilà ! « Jackson Pollock avait une intuition de la nature des objets fractals longtemps avant que Benoît Mandelbrot n’attire l’attention sur ces objets mathématiques », affirme Barrow. « Les objets fractals présentent le même schéma à toutes les échelles et l’œil n’est pas attiré par une échelle dominante particulière …Les œuvres de Pollock sont fractales à un haut niveau d’exactitude », commente-t-il (16). Abstraction fractale ou « expressionnisme fractal », voilà qui est clair ! Ce que j’ai retenu de ce que vous venez d’avancer à propos de la Géométrie c’est, d’une part, que les formes « simples », celles d’Euclide, témoignent d’une volonté de réduction du désordre apparent, c’est-à-dire structurel, de la Nature et, d’autre part, que les formes étranges, les fractales de Mandelbrot, pénètrent au cœur de la Complexité dans le même dessein réductionniste. Vu le désordre de notre époque, de notre civilisation, de notre monde, vu les gesticulations browniennes des Hommes percutés sans arrêt par les caprices assassins des accapareurs de pouvoir, vu l’actuel désordre mortifère, il est à craindre que les fractales n’y suffiront pas, je veux dire à remettre les choses dans un état à peu près convenable, un ordre qui soit à peu près compréhensible et acceptable pour tous. Une nouvelle Géométrie s’impose donc, politique celle-ci. Reste à la découvrir ou plutôt à la révéler. En attendant, s’il nous reste encore le temps d’attendre, retour à Hésiode, l’aède admirable élu des muses de l’Hélicon aux corps de « tendresse pure », à sa cosmogonie et à son harmonie…très ponctuelle cette harmonie (17). Il y a une ou deux générations spontanées de Principes davantage que de divinités, Faille ou Chaos, le vide primordial, puis « Terre Large-Poitrine » ou Gaïa, qui sera par la suite « base sûre à jamais pour tous les êtres, pour tous les dieux », et Eros, principe de vie ou principe créateur. Le ténébreux Érèbe et la « Nuit toute noire » naquirent du Chaos qui engendrèrent, cette fois-ci, la Lumière du soleil et le Jour. La Terre de son côté donna naissance au Ciel, Ouranos, et puis aux montagnes et à la mer. Ensuite, elle s’unit étroitement et indéfectiblement, enfin en principe si l’on peut dire, avec son fils le Ciel, plus d’espace pour Faille le Chaos dans cette étreinte, qui engendrèrent ainsi tout un tas de nymphes, de dieux, de semi dieux plutôt, et de créatures monstrueuses, dont « Kronos Pensées-Retorses ». Ce Kronos là n’est pas le temps, Chronos, mais un titan qui déteste son père Ouranos pour tout un tas de raison, un Œdipe bien plus qu’Œdipe, mais convenons-en le Ciel était alors un effroyable tyran, un Œdipe bien plus qu’Œdipe lui aussi, tortionnaire de son épouse-mère ainsi que de ses enfants. Gaïa n’en pouvait plus de ces enfantements à répétition et des méfaits de son époux-fils à l’égard de ses fils-frères, aussi remit-elle à Kronos une « serpe aux crocs durs », l’adamas, en lui recommandant d’en faire bon usage avec Ouranos. Avec l’adamas Kronos émascula le Ciel qui sous l’effet de la douleur desserra son étreinte bien sûr, se détacha de la Terre, et redonna son espace à Faille, Chaos, donc au désordre pour les Grecs. Mais, nous savons bien, nous Hommes d’un autre temps, que le chaos n’est pas le désordre, que le chaos est un papillon qui traverse le Monde par-delà les océans et survolant les monts, qu’il peut être la face cachée d’un nouvel ordre, tandis que le désordre est un nuage de mouches qui s’acharne sur une charogne, inlassablement (18). Ce que je retire, moi, de la cosmogonie grecque, celle d’Hésiode, c’est que l’harmonie, ici l’union resserrée de la Terre et du Ciel, ne peut jamais s’établir durablement car la tyrannie et le crime se tiennent toujours à l’affût. Ce sont, elle et lui, les vecteurs du désordre. On en restera là pour l’enseignement d’Hésiode…enfin pour le moment. Ou peut-être pas, enfin pas directement car il y a ce bizarre prolongement de l’histoire de Prométhée, celui enchaîné sur son rocher caucasien et dont le foie demeure en permanence déchiré par le « chien ailé» de Zeus, une effrayante dystopie crachée à notre face dans une ruine industrielle extravagante comme le Capital ne cesse d’en fabriquer, déplacement de pions sur l’échiquier global, travailleurs contre travailleurs, abject gâchis de savoir-faire, d’énergies et de vies. Sur une palette de chantier est installée une grande statue de marbre baroqueusement tourmentée et comme oxydée, une réplique du chef-d’œuvre d’un sculpteur presque oublié du dix-huitième siècle, Nicolas Sébastien Adam, Prométhée hurlant et se tortillant de douleur sous les coups de bec et de griffes de l’aigle divinement mis en rage, furieux battements d’ailes, un liquide marron-jaune et gluant rongeant son corps d’éphèbe tel un sang empoisonné dégoulinant de blessures multiples, avec fracas des lourdes chaînes enserrant les poignets et les chevilles, volutes de flammes s’échappant d’une torchère renversée, quasi envol du grand voile qui couvrait partiellement sa nudité. Déferlement de bruit silencieux, tensions et torsions, un Baroque tardif entièrement habité par l’esprit de Bernini. « Prometheus Delivered » nous dit-on, mais pas tant que cela et même pas du tout, pas d’Héraclès en vue, pas de délivrance à espérer, puisque étroitement pris dans un réseau dense de fins tuyaux, tels Laocoon et ses fils étranglés par des nœuds de serpents caoutchouteux, tuyaux qui injectent dans ses chairs marmoréennes un jus de bactéries lithophages. Perfusion assassine, comme si Zeus, lassé de l’acharnement vain de son « chien ailé », avait décidé de se débarrasser une fois pour toute de ce trublion de Prométhée, mais avec une lenteur de bourreau chinois, en annihilant jusqu’à son image, en la brûlant à petit feu cette image, en la réduisant en poudre, en l’atomisant et en la liquéfiant, en la transformant en une boue pierreuse grouillante de bactéries. En fait, c’est plus compliqué que cela, beaucoup plus. Les tuyaux sont reliés à toute une machinerie électronique avec plein de petits voyants lumineux qui clignotent ainsi qu’à d’énormes alambics de verre, dont certains bizarrement ornés de sorte de tentacules de pieuvre géante faites en la même matière, dans lesquels bouillonnent des substances rougeâtres ou verdâtres, selon les cas, le laboratoire d’une alchimie très technologisée, le cabinet d’une sorcellerie transhumaniste informatisée, installé ici dans la halle gigantesque et glacée de la ruine industrielle extravagante fabriquée par le Capital. Il y a plein de circulations de liquides troubles dans les mêmes minces tuyaux zigzaguant cette fois-ci sur le sol, parmi un enchevêtrement de câblages électriques, toujours des serpents, des échanges de substances indicibles entre les alambiques, les verreries de montage réactionnel et volumétriques, installés sur des paillasses carrelées de céramique blanche, parmi tout un encombrement de tubes à essai et de culture, ou des trépieds d’acier. Parfois baignent des masses vaguement organiques dans des fioles jaugées ou de très gros ballons à fond plat suréquipés d’ampoules à décanter, de tubes coudés etc. etc., tout le dispositif ultrasophistiqué d’une monstrueuse cuisine faustienne conçue pour mitonner un inconcevable homuncule, être inimaginable même pour Hésiode et Hildegarde pourtant familiers des « créatures » de mythe et d’effroi. Ici et là, sont installés quelques armoires vitrines présentant des cahiers aux pages couvertes de mystérieux schémas biophysiques et d’équations indéchiffrables, ainsi que des maquettes un peu effrayantes de molécules compliquées, et de produits intermédiaires issus des tests pratiqués, ou bien encore de résidus d’expériences avortées, les fœtus de la science en quelque sorte. Sur des panneaux sont tendues de larges toiles peintes sans véritable soin comme les affiches d’un vieux film de série B, ou la couverture un rien racoleuse d’une bande dessinée de science-fiction, au titre dégoulinant : « Prometheus delivered ». L’objectif poursuivi, tout à fait noble en soi, même si hallucinant, est de reconstituer durablement le foie de Prométhée à partir de cellules hépatiques humaines auxquelles sont fournies comme nutriment les susdites bactéries lithophages, donc une forme presque classique d’immunisation mais qui toutefois devrait s’avérer absolument inopérante pour prémunir Prométhée des tourments que lui inflige l’aigle, à moins…,à moins que celui-ci ne se casse le bec sur le foie possiblement endurci par les bactéries mangeuses de marbre. Enfin, le surplus, car il y en a un, des cellules génétiquement modifiées ou augmentées, cela va sans dire, est fermenté et distillé pour faire de l’alcool à consommer sur place, ça pourrait être proposé, ou à emporter, ça pourrait être proposé aussi, dans de fines bouteilles de couleur parfaitement aptes à la commercialisation. « Rien ne se perd…tout se transforme », comme on a fait dire à Lavoisier mais ici en abrégé (19). Imaginez-vous l’étiquette du produit : «Prometheus delivered . La véritable Fine de foie humain». Car ce dont il est question dans toute cette affaire c’est bien d’ANTHROPOPHAGIE en tant que destin régressif possible, et sans doute inéluctable, en raison de l’inflation démographique et de l’amenuisement des ressources alimentaires, l’une étant proportionnellement l’inverse de l’autre, destin régressif, dis-je, de l’Humanité dans la phase pré-apocalyptique qu’elle a déjà amplement engagée. Thomas Feuerstein qui se présente lui-même comme un « bio-artiste intéressé par le processus, la transformation et la transmutation » (20) et qui définit son travail comme un jeu sur différents niveaux de langages, sémiotique, moléculaire, médiatique, a écrit un beau texte de fiction spéculative sur ce devenir tragique de l’humanité, texte qu’il donne à lire dans la pénombre d’un petit cabinet attenant à son laboratoire-distillerie. Ce que je pense moi c’est que depuis l’instant même de leur apparition les Hommes n’ont jamais cessé de s’entredévorer et que la ruine industrielle extravagante au sein de laquelle l’œuvre est présentée fut l’abominable théâtre de la perpétuation de la violence cannibalique primitive. Mais tous les bavards du monde de l’Art, ceux qui ont des « mises en abyme » plein la bouche, les professionnels du logos comme je les appelle, veulent discerner dans cette œuvre un message hautement optimiste, une illustration de la volonté humaine de dépasser sa condition, de vivre absolument quelles qu’en soient les contreparties exigées et, s’il faut en arriver là, de renaître quoi qu’il en coûte. Tous des Faust en impuissance ! Pour eux, puisqu’on lui redonne un foie tout neuf, puisque l’artiste se substitue à Zeus, il y a bien délivrance de Prométhée, d’ailleurs « Liverty » a inscrit ironiquement Feuerstein sur ses tableaux-affiches (21), alors que le supplice impose déjà que ce foie se reconstitue de lui-même quotidiennement. Peu importe le rocher, les chaînes et la persistance du déchirement. Omission totale de la proposition anthropophage car ceci ne rentre pas dans leurs schémas à eux qui se croient être les porte-paroles, voire les jurisconsultes, de la culture et du goût parfait. Anthropophagie et bon goût ne vont pas très bien ensemble. En fait, tout ce verbiage n’a strictement aucun sens ! Décidément, entre eux et moi existe tout un univers.
Je marquai une pause profitant de l’émoi du Maître en modernité, car il savait se montrer émotif… parfois. A ce moment précis, il me parut même être réellement « estomaqué ». Et puis, avant qu’il ne se reprenne, « j’enchaînai ».
Je dois avouer qu’un certain nombre de suppositions et de faits que vous avez avancés au début de votre exposé m’ont fortement interpelé, voire même troublé, notamment au sujet du vide et de ses fluctuations quantiques, et puis aussi à propos du champ d’énergie primordiale, le champ de Higgs bien sûr. Je n’ai pu m’empêcher de rapprocher tout ceci de certains points de l’Hindouisme sur lesquels je suis peut-être passé un peu rapidement. Enfin, vous vous en doutiez bien que j’allais y revenir à l’Hindouisme, non ?
Il hocha la tête tout en affichant une moue si ce n’est réprobatrice tout du moins fortement modératrice. Décidément, même si le rapprochement était tentant, le Védisme et l’Hindouisme ne l’enthousiasmaient vraiment pas. Je ne sais pas pourquoi. Il ne s’agissait pas de faire une déclaration de foi envers une quelconque déité mais plutôt de se pencher sur une cosmogonie et une philosophie tout à fait dignes d’intérêt de par leur poésie. Il me laissait tout du même du « champ » pour m’exprimer, mais…avec modération.
Tout d’abord, le VIDE ! Vous avez dit, et je vous cite, que c’était un OCÉAN d’énergie fluctuant calmement. Ces fluctuations, quantiques, se seraient subitement amplifiées pour donner naissance à un embryon d’Univers. Ceci me renvoie bien sûr à l’image de Vishnou assoupi, lui aussi faisant la planche sur une mer calme et ondulante, le vide faiblement énergétique qui ne peut que fluctuer quantiquement, avec apparaissant subitement sur son ventre un œuf ou un lotus, inflation, quelque chose qui va éclore, moi je préfère un œuf mais peu importe, pour libérer Brahma, inflation encore, qui va donner naissance au Monde, c’est-à-dire l’Univers pour l’Inde, inflation toujours. L’œuf, puis Brahma, puis l’Univers, apparaissent donc comme la même fluctuation de l’Océan, quantique et sujette à inflation, l’incommensurable baudruche gonflée par le principe créateur, l’âme universelle, Brahman. L’énergie qui émane de Brahman et qui préside à l’inflation c’est la Mâjâ, je l’ai déjà signalé, la grande créatrice d’illusions aussi car, rappelons-le, pour le Védisme l’Univers et son enflure ne sont qu’illusions, ce qui demeurera une évidence pour le Shivaïsme. Voilà pour le vide ! Par ailleurs, je vous ai parlé de la Pradhâna et des Gunas. La Pradhâna est la matière ou le champ primordial qui renferme les trois qualités, ou forces, dont la savante combinaison sera à la base de toutes les choses non seulement matérielles mais aussi spirituelles. En éliminant totalement le spirituel, on pourrait aisément assimiler la Pradhâna au champ de HIGGS, champ d’énergie qui confère leur masse aux particules, et les Gunas aux forces fondamentales de l’Univers qui seraient issues de la Pradhâna. Vous considérerez sans doute ces rapprochements comme très audacieux mais avouez qu’ils sont tentants. Du reste, j’imagine que d’autres plus qualifiés que moi ont dû les faire, et les ont même approfondis, ils sont tellement tentants ces rapprochements, mais il ne faut pas exagérer leur importance non plus, ni se scandaliser à leur propos. Ce ne sont là que des images mentales, de même que Higgs et son boson à la signature si timide…tellement discrète cette signature dans le grand registre de Genève qu’elle ne me convainc pas totalement en tant que preuve de son existence, celle du boson pas celle de Higgs. L’époque exige que nous soyons suspicieux à propos de tout. Voilà pour le champ d’énergie primordial ! Mais laissons l’Inde et sa « belle » spiritualité philosophique, tout du moins pour le moment, laissons Higgs aussi, et retrouvons cette magnifique géométrie, à la fois désir et tourment, désir de pureté des formes et tourment perspectiviste, pour presque tous les artistes de presque tous les temps. La Beauté a été assimilée à la symétrie et quelques très rares fois à l’asymétrie, on l’a dit et répété, mais qu’est d’autre la géométrie si ce n’est une interrogation sur l’essence de la forme et sur ce qui fait que cette forme puisse être considérée comme belle, ce qui passe, à un moment ou à un autre, par une mise à nu des ressorts de la symétrie. La perfection de la symétrie c’est la sphère, dans quelque sens qu’on la tourne elle est toujours pareille, d’où son omniprésence et omnipotence en tant que forme pendant des siècles. L’un de ses noms, scientifique celui-ci, pourrait être « isotropie », mais avec l’isotropie il n’y a pas d’Univers possible, ou plutôt pas un univers tel que celui qui nous accueille, car en matière d’univers autre tout semble permis. Donc, vive l’anisotropie autrement dit l’asymétrie ! Un qui a bien perçu la nature duale de la Beauté, cette confrontation entre la symétrie et l’asymétrie, entre la géométrie et la ruine, c’est Lorenz Stöer, un graveur d’Allemagne qui eut un pied posé sur le XVIe siècle et l’autre sur le siècle suivant, artiste auquel je me réfère assez régulièrement car sa découverte provoqua chez moi un véritable choc. Stöer ne fut pas un très grand dessinateur, loin s’en faut, mais, bien après Dürer et à peu près en même temps que Kepler, il fut un obsédé du polyèdre. Des polyèdres il en a parsemé ses gravures, parmi plein d’autres formes géométriques il est vrai, tout un tas, des vraiment tarabiscotées parfois, sphère hérissée de pointes suspendue au bout d’une chaîne, volutes monstrueuses et envahissantes émergeant de nulle part et déroulant dans l’espace comme une écriture « incognita » et volumétrisée, sorte de lèpre scripturale ou de ronces architecturales, pyramides renversées reposant de leurs pointes sommitales sur l’une des faces d’un dodécaèdre ou d’un icosaèdre, ou inversement, sphère de pierre comme figée à l’extrême sommet d’une autre pyramide, empilement de polyèdres insensés et sans appellations certaines dans des équilibres des plus instables, formes géométriques qui n’en sont plus vraiment, à moins qu’on ne les analyse en leurs sous-parties, le tout installé dans des champs de ruines parfaitement inidentifiables, ni grecques, ni latines, car ni la Grèce ni l’Italie n’avaient véritablement redécouvert leurs architectures passées et pourtant somptueuses, Piranèse n’était pas encore né, vestiges ajourés de temples dédiés à des dieux inconnus, modestes tas de briques ou éboulis de pierraille déposés sur des arches à demi effondrées, madriers en suspension hasardeuse sur des poutrelles de pierre, planches épaisses portant sur des pans de murs menacés d’éboulement, succession de colonnes étêtées, escalier certes majestueux mais qui semble totalement perdu dans tous ces décombres, margelle d’un puits sec, sorte de tore octaédrique, avec à son pied quelques fleurs coupées le désignant comme un tombeau. Une végétation pauvre éclabousse cette désolation, une « verdure grise » comme étouffée par les volutes scripturales, des arbres étiques au trois-quarts effeuillés se faufilant au travers de la moindre fissure dans la pierre, des plantes grasses parasitant les racines de ces arbres et toutes les ruines environnantes, ici et là des plaques herbues écrasées et comme pelées de soif. Ni Hommes, ni oiseaux, ni quelque animal que ce soit. En dehors des géométries acrobatiques, pas âme qui vive. INSTABILITÉ de tout dans un monde post-apocalyptique ! Comme nombre d’artistes de l’Europe du Nord, Hans Lencker, Wenzel Jamnitzer, Hans Vredeman de Vries, et bien d’autres encore, Stöer proposait ses planches de géométrie aux ébénistes et particulièrement aux marqueteurs en tant que motifs d’ornementation possibles des meubles de grand luxe dont ils avaient commande, car il est plus aisé de créer avec de fines lamelles de bois des effets de relief, donc de perspective, à partir de figures géométriques, plutôt que de tenter de reproduire avec lesdites lamelles des scènes figuratives. Cependant, il est arrivé que des planches soient collées directement sur les panneaux des meubles au grand dam des marqueteurs qui voyaient en cette pratique, et à juste titre, une remise en cause de leur gagne-pain. Ce que je retiendrai, moi, des planches de Lorenz Stöer, celles de « Geometria et Perspectiva » (22), au-delà de l’aspect mercantile possible mais pas certain, c’est comme je l’annonçais au départ le voisinage étroit de la Géométrie et la Ruine, de la symétrie et de l’asymétrie, du rationalisme, pseudo-mathématique en l’occurrence, et de l’aléatoire, de l’ordre et du désordre, apparent, et puis aussi de la fragilité et de l’aspect transitoire des équilibres établis, de l’humaine condition et de celle de notre monde, si ce n’est de celle de l’Univers en son entier. Je considérerai le « Geometria et Perspectiva » sous l’angle philosophique comme une réflexion sur l’IMPERMANENCE universelle, aucun équilibre n’est établi qui soit apte à se maintenir, et sous l’angle artistique comme un prolongement de la « Melencolia I » d’Albrecht Dürer, non pas en tant que Vanité de la Connaissance mais plutôt Vanité de la Géométrie…Quoique ! La Géométrie est sujet à questionnement pour le mélancolique archange-architecte…mais pas seulement ! Les formes géométriques de Stöer sont toutes menacées de chute, voire de total effondrement quand elles sont amoncelées, en particulier les volutes, sorte d’ectoplasmes surgit de mystérieux orifices ruineux ou ruines elles-mêmes. A moins…A moins que cette écriture architecturale ne soit la matérialisation de l’omnipotent Logos hildegardien. Pas de perspective, tout du moins telle qu’on a pu la concevoir dans la peinture figurative à travers les siècles, surtout la peinture de paysage, pas celle des marqueteurs qui se contentent d’un relief plus ou moins illusionniste. La perspective c’est l’introduction de la géométrie dans la représentation, de lignes de fuite convergentes en un point, d’une troisième dimension dans l’espace à deux dimensions, le plan de l’estampe ou de la toile. Ici, les formes géométriques et les ruines s’inscrivent bien dans un paysage mais dans un paysage fermé, barré par des collines ou de modestes montagnes, quelques-unes couvertes de bosquets et d’édifices, maisons et châteaux plus ou moins forts, dont on n’est pas vraiment sûr qu’il ne s’agisse pas d’autres ruines également. Ce paysage n’est qu’une toile de fond, comme un papier peint que l’on aurait posé là et que l’on entraperçoit par d’étroits espaces entre des façades à demi effondrées. Nul chemin pour y conduire, nulles lignes de fuite permettant au regard de s’évader. Aucune perspective pour l’échappement à ce désastre. MAIS…Ce que propose Lorenz Stöer avec cet entremêlement de ruines et de formes géométriques plus ou moins pures c’est une nouvelle architecture, une architecture absolument fantastique au delà des lois de la Physique et hors du temps accompagnée de son traité écrit dans une langue mystérieuse faite de volutions et de circonvolutions, langue qu’utilise encore de nos jours les architectes afin de paraître savants. De la ruine en tant qu’objet architectural plus puissant et plus beau que ce qui l’a précédé, j’ai déjà dû vous en parler à propos de Didier Marcel, cet artiste qui transcende la ruine et tous les objets humbles en général. Je dirais que chez Stöer la ruine n’est pas précisément belle mais qu’elle constitue plutôt un environnement, une sorte de jardin de sculptures où il exhiberait les formes géométriques « pures » et presque « vivantes ». Mieux, j’avancerais que les ruines proposent une autre géométrie qui romprait résolument avec la symétrie, privilégierait donc l’asymétrie, une géométrie stochastique pour laquelle on n’aurait fait à aucun moment appel aux mathématiques, une géométrie de l’aléatoire dans un monde mort. On retiendra que les ruines constituent en bout de course l’ULTIME production du Capitalisme et des accapareurs de pouvoir, laïcs ou théologiques, ruines de la « Nature », ruines de l’Economie, ruines de l’Homme, ruines résultant de la guerre éternelle qu’ils se font par peuples interposés, ruines causées par les guerres qu’ils font à leurs propres peuples. Plus le temps pour les ruines occasionnées par le Temps, plus d’espace pour les géométries du Temps. La Syrie est une plaie ouverte dans ma pauvre conscience, la ruine de tout espoir de rédemption de l’Humain. Durant des siècles, les ruines de la Syrie, riches sédiments temporels laissés par des civilisations hétéroclites, Amorites, Cananéens, Hittites, Araméens, Assyriens, Perses, Grecs, Romains, Arabes, Chrétiens d’Occident, Mamelouks, Ottomans, et j’en oublie sans doute, donc les ruines de la Syrie furent continuellement habitées, sans façon aucune, par des gens humbles et doux. Ruines vivantes qui n’étaient par conséquent plus ruines, puisque renaissantes à chaque génération humaine. J’ai déjà rapporté, ailleurs, bien des rencontres au cœur ou à proximité de ces ruines, celle du gentil flûtiste/jardinier qui déroulait de fines sinusoïdes faites de sons dans l’ombre d’un mur près du temple de Baâlshamin à Palmyre, ou bien encore celle du laboureur/philosophe et amoureux fou des belles fleurs sauvages, juste au pied du monastère de Siméon le Stylite, Qal’at Sam’an, ou bien encore celle du gardien apaisé du château de Saladin, Qal’at Salah ad-Din. Ce que j’évoquerai ici surtout c’est la cité de Bosra, à elle seule un sacré carrefour, de civilisations, de religions, de marchandises, capitale de la province romaine d’Arabie, aujourd’hui village druzze, ou ce qu’il en reste après la bataille dont elle fut le « théâtre », elle et son théâtre, l’un des plus beaux du monde antique dit-on. Un peu avant que ne s’ouvre le beau soir d’orange, j’ai vu les ruines de Bosra s’animer après les premiers retours des champs et les sorties des écoles, femmes et hommes devisant en voisins au bord de voies pavées où, autrefois, défilait la troisième Légion cyrénaïque et où passaient des caravanes qui irriguaient toute la péninsule, des nuages d’enfants tournant comme des vols circulaires de martinets siffleurs sur des places bordées d’églises paléochrétiennes, de mosquées datant des premiers temps de l’Islam, ainsi que de majestueux vestiges de colonnades romaines. Les ruines vivaient et leurs habitants faisaient maisons de tout, renforçant les murs pourtant déjà épais avec tout ce qu’ils trouvaient, morceaux de colonnes et d’entablement, éboulis divers, ce n’était pas les tas de vieilles pierres qui manquaient, et utilisant les feuilles d’acanthe des chapiteaux corinthiens pour soutenir les câbles électriques qui alimentaient lesdites maisons. Tout ceci n’allait pas du tout dans le sens des archéologues du monde entier qui se sentaient quelque peu rejetés de leurs champs de fouilles qu’ils estimaient légitimes. Ce sont là gens qui se plaisent à déterrer ce qui est mort et tracer des plans sur ce qui avait été…ou sur ce qui aurait pu être. Aussi, ces derniers faisaient-ils du Théâtre, l’un des plus beaux du monde antique dit-on, une manière de forteresse refusant par de fortes grilles l’accès à ceux qui vivaient ici, à Bosra, et qui poussaient l’outrage jusqu’à utiliser comme lieu d’aisance public l’antique cryptoportique. Une dizaine d’années plus tard tout était rentré dans l’ordre…enfin, pour les archéologues, comme j’ai pu le constater. Á quelques centaines de mètres du site de Bosra, on avait relogé la population dans de confortables cubes en béton recouverts de tôle ondulée, habitat parfaitement inadapté au climat de la région, suffoquant l’été et glacial l’hiver, et les archéologues pouvaient enfin gratter la terre comme il convenait pour y récupérer de la menue monnaie impériale, un peu rognée sur les côtés, et des morceaux d’écuelles sans âge, mais dont certaines plutôt récentes quand même, et les déposer dans les vitrines des musées. Moins de vingt ans plus tard, tout s’est encore considérablement simplifié…à coup de canons et de barils de dynamite expédiés des avions. La bataille ! Ruine de la ruine, fractalisation des ruines. Mais, on nous a rassuré. Le théâtre de Bosra, l’un des plus beaux du monde antique dit-on, n’a presque pas été endommagé et les « touristes » peuvent à nouveau le visiter. La Syrie reste une plaie ouverte dans ma pauvre conscience…
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1) Françoise Combes est une astrophysicienne, spécialiste des galaxies (formation et évolution) et de la matière noire. Elle est membre de l’Académie des sciences et titulaire de la chaire « Galaxies et cosmologie » au Collège de France (pour faire court).
2) Fritz Zwicky (1898-1974), astrophysicien américano-suisse, découvreur des supernovas ainsi que de la matière noire, cette dernière à partir de ses recherches sur l’amas de Coma.
3) Pour faire simple, on se sert d’un objet céleste massif, galaxie ou amas de galaxies, comme d’une loupe pour obtenir une ou des images d’un objet plus lointain situé derrière le premier objet, par déviation des rayons lumineux émis par le second objet du fait de la déformation de l’espace-temps provoqué par le champ gravitationnel émanant du premier objet (relativité générale). Cet outil ou effet permet d’évaluer la densité de matière dans une région de l’Univers ainsi que la masse des objets concernés.
4) Le fameux E=mc2 de la Relativité restreinte d’Einstein et les principes d’indétermination (ou d’incertitude) de Werner Heisenberg, notamment il est impossible de connaître simultanément et précisément l’énergie et la durée de vie d’une particule élémentaire.
5) Trinh Xuan Thuan – La Plénitude du Vide (Albin Michel – 2016).
6) Arno Penzias et Robert Wilson des Bell Laboratories qui reçurent le prix Nobel de Physique en 1978 pour cette découverte faite en 1964.
7) L’architecte Dédale, constructeur du labyrinthe dans lequel était enfermé le Minotaure, évidemment.
8) Ossip Mandelstam – Scriabine et le christianisme in Œuvres en prose – Traduction Jean-Claude Schreider (Le bruit du temps/La Dogana – 2018).
9) La « Spiral Jetty ». Voir mon texte « Spirales».
10) La barrière de la vitesse de la lumière, 300.000 km par seconde dans le vide absolu, ne s’applique qu’aux objets en mouvement. L’inflation de l’Univers après le Big Bang notamment s’est effectuée à une vitesse supérieure à celle de de la lumière.
11) Il y a une partie visible de l’Univers et une partie invisible, celle où plus aucune information ne peut être reçue en raison des limites imposées par la vitesse de la lumière et celle de l’expansion. La frontière entre ces deux parties constitue l’horizon cosmique.
12) Presque toutes les informations concernant « la toile cosmique » ont été recueillies lors de deux conférences données par Sandrine Codis, la première à l’Institut d’Astrophysique de Paris le 2 octobre 2018, la seconde au Collège de France le 7 janvier 2019 (séminaire faisant suite à la leçon de Françoise Combes sur « Les grandes structures de l’Univers »). J’avais bien sûr pris des notes lors de la conversation avec le Maître en modernité mais je n’avais pas tout compris à ce qu’il disait. J’ai donc dû compléter mes notes pour rapporter plus sérieusement ses propos.
13) Sandrine Codis est une astrophysicienne, chercheuse à l’Institut d’Asrophysique de Paris et au CNRS.
14) Au Moyen Âge, les Arts libéraux regroupaient les différentes matières qui étaient enseignées et qui se répartissaient entre le « Trivium » et le « Quadrivium ». Le Trivium comprenait la grammaire, la dialectique et la réthorique, et le Quadrivium, l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie. La médecine, la philosophie et la théologie étaient en dehors des Arts libéraux.15)
15) En Suisse, à la saison chaude, et même un peu avant, et même un peu après, les gens ont coutume de mettre leurs vêtements dans un sac étanche puis de se laisser dériver à sa suite sur les cours d’eau conséquents, le Rhin par exemple mais pas seulement. La Suisse c’est un peu le pays des Schtroumpfs. Il suffirait de remplacer les chalets en bois par de gros champignons à pois blancs.
16) John D. Barrow – L’Art de l’univers – Arts et sciences – Traduction Christine Le Bœuf (Actes Sud – 2015).
17) Hésiode – Théogonie – Traduction Jean-Louis Backès (Gallimard 2001).
18) Voir mon texte « Zimmerman et la théorie du chaos ».
19) La citation complète est : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
20) Déclaration de Thomas Feuerstein à l’occasion de la biennale de Lyon 2019.
21) Jeu de mot sur la base de « Liberty » et « Liver » (foie).
22) Lorenz Stöer (1537-1621)– Geometria et Perspectiva publié en 1567 à Augsbourg.